Chapitre 45

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L'envie de rejoindre mon domicile germe sur le chemin du retour. Mon appartement, bien que modeste, me manque terriblement. Les petites habitudes que Sarah et moi avons développées, les rires, les discussions nocturnes, tout cela me manque.

Décidée, je me dirige vers l'arrêt de bus et monte dans le premier qui passe. Alors qu'il me largue à deux pas de l'immeuble, une vague d'anxiété se forme dans mon estomac. Mon esprit vagabonde inéluctablement vers Jim, l'éventualité de le trouver devant ma porte me terrifie car voilà des jours que je redoute une confrontation avec lui. Le simple fait de penser qu'il pourrait me surprendre en l'absence de Sarah ou de Nathan me remplit d'une peur viscérale. Son accès de rage revient en boucle. Je revois ses yeux rougeoyant de fureur, sa possessivité et cela m'effraie.

Mes pas se font plus lourd, mon corps tremble du simple fait d'imaginer de ce qui pourrait m'attendre de l'autre côté. Mon souffle s'accélère, je scrute les environs, m'attendant presque à le voir surgir de l'ombre. La rue, d'ordinaire si familière, semble étrangement menaçante, chaque bruit devient suspect. Lorsque j'arrive enfin sur le pallier et que je découvre qu'il n'est pas là, un immense soulagement m'envahit.

Je fouille les clés dans mon sac à main. Retrouver mon espace intime, me plonger dans un environnement familier me donne le courage d'insérer la clé dans la serrure et de m'y engouffrer hâtivement. Je reste immobile un instant et tâche de calmer les spasmes de mon cœur. Les faibles rayons baignent le salon laissé sans dessus-dessous.

Je pose mon sac sur le bahut et me rue vers ma chambre. Là, dans ce cocon, je suis en paix. Je m'assieds sur le bord de mon lit, mes épaules s'affaissent. La vue de mes affaires éparpillées ici et là, de mes livres et de mes vêtements sales est étrangement apaisante. Je me laisse tomber sur l'oreiller, m'allongeant de tout mon long sur le lit. Le matelas moelleux épouse les contours de mon corps et je ferme un instant les paupières, consciente que cette tranquillité contraste avec la peur qui me tenaillait il y a encore quelques minutes. Ici, je suis à l'abri, protégée des menaces extérieures, et de Jim. Je me redresse à contre-coeur, affamée.

Avec une énergie renouvelée, je me dirige vers la cuisine, prête à m'évertuer à la tâche. En sortant les ingrédients du sac de courses, j'ai en tête une recette de pâtes bolognaises transmise par ma mère. C'est un plat simple mais qui redonne du baume au cœur, et j'en ai bien besoin en ce moment. J'enfile mon tablier et commence par éplucher les carottes, puis m'attaque aux oignons que je coupe en fines lamelles. L'odeur des tomates mijotant, des oignons caramélisant doucement me rappelle les après-midis passées à cuisiner avec ma mère dans sa petite cuisine. Sa voix douce me guide encore, même à travers les souvenirs, et me gonfle de détermination à recréer cette saveur d'enfance, un hommage à mes racines Italiennes.

Je fais chauffer une grande poêle et y verse un généreux filet d'huile d'olive. Les oignons crépitent au contact de l'huile chaude, libérant une odeur enivrante. Pendant qu'ils dorent, je prends des tomates bien mûres, les coupe en morceaux et les incorpore aux oignons. La sauce commence à prendre, son parfum emplit la cuisine et me transporte des années en arrière. Je me rappelle les gestes précis de ma mère, sa patience et son amour pour la cuisine. Chaque fois que je l'aidais, elle me parlait de notre famille, de nos traditions et de sa vie en Italie. C'était notre moment à nous, loin des critiques et des attentes de mon père. J'ajoute une pincée de sel, une touche de sucre et quelques feuilles de basilic frais. La cuisson des tomates libère un jus rouge et épais, créant une sauce onctueuse et parfumée.

Pendant que la sauce mijote, je fais chauffer une grande casserole d'eau salée pour les pâtes. Dès qu'elle bout, j'y plonge les spaghettis et les remue doucement pour qu'ils ne collent pas. En attendant leur cuisson, je me laisse submerger par la nostalgie. Ma mère me manque terriblement, j'aimerais tant lui parler de mon chagrin d'amour, lui demander conseil, elle qui a toujours été d'une grande sagesse. Les pâtes sont prêtes. Je les égoutte soigneusement, les verse dans la poêle avec la sauce, avant de les disposer dans une assiette creuse et de prendre place sur la table. Chaque bouchée est un éloge à mon enfance, une véritable madeleine de Proust. Je me souviens des fêtes de famille, les rires et les discussions animées autour de la table. Ces moments de bonheur simple et authentique me manquent. Mon cœur est lourd de regrets, mais aussi de gratitude pour ces souvenirs précieux.

BE MINE IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant