BE MINE I

Chapitre 4

Depuis deux semaines, Jim et sa bande de tocards fréquentent assidûment le club dans l'espoir vain de me compter parmi ses conquêtes. Deux semaines à déplorer l'absence de celui dont le charisme continue de hanter mes pensées. Emportée par la colère, je n'avais pas pris la peine de lui demander son nom. La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui je suis enfin en repos, impatiente de savourer la longue nuit de sommeil qui m'attend une fois mes tâches du jour accomplies. En premier lieu, appeler Billie malgré les six heures de décalage qui nous séparent. Mon amie finit par décrocher sans émettre un son :

- Bonjour l'ambiance, dis-je pour détendre l'atmosphère.

Le silence plane, chargé de reproches.

- Écoute, je sais que j'ai été distante ces dernières semaines, mais tu me pardonneras quand tu sauras ce que j'ai à te raconter.

Sa curiosité piquée à vif, elle finit par rompre le silence.

- D'accord, trêve accordée. Je veux tout savoir, et surtout, n'épargne aucun détail croustillant !

Un léger sourire effleure mes lèvres, mais il s'efface rapidement alors que l'appréhension me gagne.

- Tu te souviens de Sarah Sanchez ? Je t'avais dit qu'elle travaille dans un club de striptease...

Elle doit sûrement hocher la tête, car elle répond :

- Je me souviens surtout t'avoir conseillé de changer de colocation.

Ma gorge se serre, les mots peinent à sortir.

- Eh bien, je murmure, il se trouve qu'un poste s'est libéré dans ce club, et...J'y travaille comme serveuse depuis un mois maintenant. Son silence me met profondément mal à l'aise et plutôt que de me taire, j'ajoute : Je n'avais pas vraiment le choix, les choses sont compliquées en ce moment.

- Bon sang, Gui ! Si tu m'en avais parlé au lieu de te fier à cette...Décérébrée, on aurait pu trouver une solution qui n'implique pas de compromettre ta réputation !

Je ferme les yeux, ressentant le poids de sa déception. Elle a raison, bien sûr, mais comment expliquer ce que moi-même j'ai du mal à saisir ?

- Ce n'est pas aussi simple.

A vrai dire je ne m'attendais pas à un tel déchaînement de sa part. Billie mieux que quiconque, connaît les épreuves que j'ai traversées pour en arriver là. La pression familiale qui m'a poussée à suivre un chemin qui n'était pas le mien, au détriment de mes passions. J'ai affronté vents et marées, vu le financement de mes études s'envoler parce que j'ai osé suivre mes convictions. Mais être réprimandée par la personne censée être de mon côté, est impardonnable.

- Je t'ai toujours soutenue, et j'aurais continué de le faire si seulement tu m'en avais parlé, lance-t-elle d'une voix tranchante.

Ses paroles m'irritent. J'en ai assez que l'on me dicte ma conduite.

- Comment peux-tu dire ça, toi qui n'as jamais pris le moindre risque ! Cette école est tout ce qu'il me reste, et pour survivre j'ai dû m'adapter. Alors oui, ce n'est peut-être pas le job rêvé, mais vivre à New York a un coût, et si ça peut m'éviter de finir à la rue c'est encore mieux.

Que dire de plus ? Cette discussion m'a coupé l'appétit, je n'ai qu'une hâte : noyer mon chagrin dans les bras de Taylor Swift en notant de tous les envoyer foutre. Mon regard se perd à travers la fenêtre, où le soleil scintille comme autant de promesses inatteignables. Une image fugace me traverse l'esprit : celle d'un regard ténébreux, qui hante mes pensées depuis deux semaines. Une personne qui, sans le moindre efforts, a su ébranler mes certitudes.