Guiliana est une brillante étudiante en médecine. Depuis son enfance ses parents ont planifié chaque étape de vie, l'encourageant à poursuivre une carrière prestigieuse et sécurisée. Cependant, une passion secrète grandit en elle : la mode. Fascinée...
La proposition d'embauche de Stratosphere Fashion me parvient comme une lettre à la poste. Je fixe l'écran de mon ordinateur, les mots « Nous sommes ravis de vous offrir un poste », défilant sous mes yeux.
J'aimerai sauter de joie. C'est une opportunité en or, une chance de travailler pour une entreprise prestigieuse. Malheureusement elle est entachée par la récente offre de Monsieur Ballmer, et la manière dont il avait forcé le destin pour parvenir à ses fins. Je suis tiraillée entre deux mondes. D'un côté, il y a Nathan, ses méthodes douteuses, mais la promesse de m'élever professionnellement au sein de son empire. De l'autre, Stratosphere Fashion, une entreprise qui m'a offert une chance sans arrières-pensées, semble-t-il. Le choix peut paraitre évident, mais la décision est tout sauf simple.
Le choix m'appartient, mais je suis tout bonnement incapable de me positionner, chacune d'elles ayant des atouts non négligeables. Que faire ? J'ai besoin de me confier à une personne neutre. Mon esprit se tourne immédiatement vers Billie, ma meilleure amie, restée en France. Nos échanges ne sont plus les mêmes. Nous avons mûris, et elle avait beau m'assurer que tout allait bien entre nous, force est de reconnaître que la distance nous a éloigné. J'espère toutefois lui faire comprendre ma position.
Je compose son numéro, priant pour qu'elle soit disponible. La sonnerie retentit plusieurs fois, avant qu'elle ne décroche :
- Allô ?
Sa voix est teintée d'une surprise feinte. Le malaise me saisit, oppressant comme si une main invisible broyait mes poumons. La familiarité de sa voix, douce et accueillante, se mêle à une étrangeté froide, rappelant les mois de silence qui nous ont éloignées. Mon esprit s'embrouille de questions et de doutes. Comment vais-je lui raconter tout ce qui s'est passé sans qu'elle ne me juge ? Les souvenirs de notre complicité passée se heurtent brutalement à la réalité, me laissant désemparée, presque honteuse de ce que je suis devenue, ou de ce qu'elle pourrait penser de moi maintenant. Le fossé entre nos vies, nos choix, et nos valeurs s'ouvre sous mes pieds, menaçant de nous engloutir. Mon assurance vacille, ce qui risque de rendre le dialogue difficile.
Je me racle la gorge, m'efforçant de paraitre naturelle :
- Billie ! Je m'exclame. Comment tu vas ? Tu me manques tellement, bien plus que les donuts de chez Bonesshaker Doughnuts, je ricane.
J'ai tellement de choses à lui raconter !
Je lui narre les événements de ces trois derniers mois; de ma relation naissante avec Jim, au mystérieux homme du bal masqué qui s'est révélé être Nathan, jusqu'à mon actuel dilemme.
Ma meilleure amie m'écoute attentivement, mais dès que je finis, son ton change. A son tour, elle me parle de ses études à Paris Descartes. Son ton détaché et sans enthousiasme reflète sa vie routinière. Elle insiste sur ses journées passées entre les cours et la bibliothèque, ses efforts acharnés pour préparer ses examens, et l'angoisse constante de ne pas réussir à se démarquer dans un marché du travail saturé. Elle mentionne brièvement ses week-ends passés chez ses parents à la campagne, une routine qui n'a guère changé depuis notre séparation. Billie évoque aussi les soirées entre amis, souvent interrompues par des discussions stressantes sur le marché instable de l'emploi.
Les mots qu'elle prononce semble peser plus lourd, comme si la monotonie de sa vie l'écrasait un peu plus chaque jour. Son récit est entrecoupé de silences résignés, et je peux presque sentir la lassitude émaner de ses paroles, une lassitude qui rend son reproche imminent encore plus douloureux et inévitable.
- Depuis quand es-tu devenue aussi superficielle et calculatrice ?
Sa voix se durcit, mais mon amie ne s'arrête pas là. Non, elle me reproche d'avoir changé, de m'être éloignée de nos valeurs communes, et d'être aveuglé par ma quête de succès. Ses mots frappent fort, ses accusations laissent une marque, soulignant la distance qui s'est creusée entre nous et les chemins divergents que nos vies ont empruntés.
- Comment ça, superficielle ?
- Tu te laisses manipuler par ces types, tu joues à des jeux de pouvoir...Tu ne ressembles plus à la Guiliana que je connais. Où sont passées tes valeurs ?
- Ce n'est pas aussi simple. J'ai dû m'adapter, Billie. La vie à New York est différente ! Je m'emporte.
- Difficile, ou c'est toi qui es différente ? Elle réplique, sa voix froide. Tu sais quoi, laisse tomber ! Je dois réviser. On parlera plus tard.
Puis, sans prévenir, elle raccroche avant même que je puisse répondre. Je reste là, le téléphone à la main, sous le choc. Mes yeux s'emplissent de larmes.
Comment ai-je pu perdre ma meilleure amie dans cet océan confus ?
La différence de mentalité entre les Français et les New-Yorkais me frappe soudainement. En France, j'aurais eu peur du jugement constant. Alors qu'ici tout est possible, les opportunités infinies. Ici, j'ai appris à sortir de ma zone de confort, à me faire des amis sans craindre les critiques. Les Américains ont une ouverture d'esprit qui facilite la réussite. En France, même un doctorat ne garantit pas un emploi stable. Il faut constamment batailler pour se faire une place.
Mes pensées s'entremêlent.
Ai-je vraiment changé, suis-je devenue cette personne hideuse à ces yeux, ou ai-je simplement appris à m'adapter à un nouveau monde ?
Assez ! Je suis épuisée par ces semaines harassantes et ces études qui n'en finissent pas. Je passe mes nuits à réviser à des heures indécentes, me levant à peine quelques heures plus tard pour enchaîner cours et travail. Ce rythme infernal me laisse à bout de force, tant physiquement qu'émotionnellement. Alors, entendre Billie me traiter d'opportuniste, comme si tout ce que j'ai bâti jusqu'ici ne valait rien, me fait éclater en sanglots. Les sacrifices, les efforts sans relâche, tout cela semble réduit à néant par une seule remarque acerbe. Je me sens incomprise et accablée par un sentiment d'injustice. C'est comme si mon combat pour une vie meilleure à New York n'était qu'une illusion, balayé d'un revers de main par celle que je considère comme ma meilleure amie.
Les larmes coulent sans fin, et dans un élan de désespoir, je compose le numéro de Jim. Sa voix inquiète me parvient immédiatement.
- Gui, qu'est-ce qui se passe ?
- Je...Jai besoin de te voir. Où es-tu ?
- Chez moi. Je peux passer si tu le souhaites.
Son appartement semble être le seul endroit où je pourrais trouver du réconfort.
- Non, je vais venir. Je ne supporte plus d'être ici.
- Très bien. Je t'appelle un taxi.
En attendant le taxi, je me plonge dans le désordre de ma chambre, cherchant à rassembler quelques affaires. Mon cœur bat à tout rompre, et l'appartement me paraît soudain étouffant. Quand la voiture arrive, je me précipite dehors, la nuit apporte un semblant de calme. Le trajet jusqu'à son appartement est un flou de lumières et de pensées.
Une fois arrivée, il m'accueille avec un regard inquiet.
- Viens, entre.
Sans un mot, je m'effondre dans ses bras, laissant mes larmes couler librement.
- Je ne sais plus quoi faire, Jim. Tout est tellement compliqué.
Il me serre contre lui, et murmure des mots réconfortant.
- Tu n'es pas seule, ma chérie. Je suis là !
Je m'accroche à ses paroles, espérant qu'elles soient vraies. Mais une partie de moi se demande toujours si je peux vraiment faire confiance à quelqu'un d'autre qu'à moi-même.
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