Chapitre 34

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Pdv de Nathan

Les agents entament la fouille de façon méthodique, retournant tiroirs et armoires, sous le regard pétrifié de Guiliana à qui je ne peux rien dire pour le moment. Mon corps se raidit lorsque Harris nous fixe à tour de rôle :

- Nous avons quelques questions à poser à votre personnel. Mademoiselle, pourriez-vous me suivre, s'il vous plaît ?

Apeurée, la stagiaire me jette une œillade, en quête de soutien. Je lui fais un signe de tête pour l'encourager, mais comme je me vois mal la laisser seule dans cette situation, je décide de les accompagner dans une pièce inoccupée, en essayant de garder mon sang-froid malgré la colère qui pulse dans mes veines.

-Mademoiselle Besnier, c'est bien ça ? Elle hoche vigoureusement la tête, ayant perdu l'usage de la parole. Pouvez-vous nous dire quelle est la nature de votre relation avec Monsieur Carter ?

- Nous...Nous travaillons ensemble, répond-elle, visiblement nerveuse.

Je ne peux m'empêcher de remarquer combien ses émotions transparaissent à la lumière du jour. Elle essaie de rester calme, mais je vois bien le tremblement léger de ses mains et la manière dont elle évite le regard de Harris. Elle n'a pas l'habitude de ce genre de pression, c'est évident. Son manque de contrôle me frappe, à la fois par son innocence et sa vulnérabilité. Contrairement à moi, elle n'a pas appris à masquer ses émotions derrière un masque. Sa transparence m'évoque une pureté dont j'avais presque oublié l'existence. Pourtant, cela me met dans une posture inconfortable, car je sais qu'Harris et ses hommes peuvent percevoir ses mensonges et ses hésitations.

- Avez-vous remarqué un comportement inhabituel chez lui, ces derniers jours ? Insiste-t-il.

- Non, pas du tout ! Ment-elle, et je sais qu'elle ment.

Harris le sait aussi, c'est son métier. Ils sont formés pour lire entre les lignes et déceler les failles. Je suis en colère envers Jim pour l'avoir mis dans cette position délicate. A chaque mensonge qu'elle prononce, chaque fois qu'elle détourne le regard, je ressens le besoin de la protéger en prenant sa place sous les projecteurs. Ce manque de maîtrise, bien que compréhensible, souligne sa fragilité et son manque d'expérience face à des situations impromptues. Guiliana n'est pas faite pour le mensonge et la tromperie ; elle est honnête, authentique, et cela se voit. En même temps, son effort pour paraitre forte et couvrir Jim, malgré la peur évidente, force mon admiration. Elle est plus courageuse qu'elle ne le croit. Mais cela ne change rien au fait que chaque seconde de cet interrogatoire l'expose un peu plus à leur jugement. Et moi, je suis là, à essayer de l'aider du mieux que je peux, en sachant que ses émotions sont un livre ouvert pour qui sait lire entre les lignes.

- Pourquoi Monsieur Carter n'est-il pas au bureau aujourd'hui ? Demande un autre agent, son regard expert scrutant chacune de ses réactions.

Elle vacille et réfléchit à une réponse crédible. Un mot de travers, et c'est la fin. Je décide de prendre la parole à sa place, ne supportant plus la pression qu'elle subit.

- Monsieur Carter est en déplacement professionnel, pour la conquête de nouveaux marchés. Il répondra lui-même à vos questions à son retour.

L'inspecteur évalue mes propos, puis se tourne vers ses hommes.

- Continuez la fouille.

Les agents fouillent chaque recoin, retournant une nouvelle fois les bureaux dans un chaos méthodique. Les tiroirs sont ouverts, les dossiers éparpillés. Je garde un œil attentif sur Guiliana qui reste stoïque malgré la situation. Finalement, après une longue inspection, les agents commencent à se retirer. Harris s'approche de moi, un air sérieux sur le visage.

- Monsieur Ballmer, nous allons bientôt interroger votre père. Je voulais vous en informer personnellement.

Je hoche la tête, comprenant la gravité de la situation.

- Merci de m'en informer.

Quand ils quittent enfin les lieux, je me tourne immédiatement vers ma stagiaire.

- Est-ce que ça va ? Je suis désolé que tu aies eu à assister à ça dès ton premier jour de stage.

Elle semble encore sous le choc, mais elle hoche la tête.

- Oui, ça va...Mais, qu'est-ce qui se passe vraiment, Nathan ?

Pour une raison inconnue, j'ai envie de me confier à cette femme que je connais à peine. Elle est là, devant moi, fragile mais courageuse. La lueur dans ses yeux qui me pousse à baisser ma garde. Peut-être est-ce sa naïveté désarmante, ou le fait qu'elle a été propulsée dans cette situation sans y être préparée, tout comme le jour où j'ai été agressé. Pendant des mois, j'ai gardé ces sentiments enfermés, ne laissant personne voir la peur, la vulnérabilité qui m'assaillent chaque nuit. Même ma mère, si protectrice soit-elle, n'a jamais su à quel point cet incident m'a marqué. Étrangement, sa présence me rassure, comme si elle pouvait comprendre sans juger. C'est irrationnel, mais peut-être est-ce le contraste entre sa douceur et la brutalité de mon expérience.

- Il y a quelques mois j'ai été victime d'une agression ici même, dans les locaux de l'entreprise. Je ne sais pas pourquoi je te dis ça, mais c'était...Terrifiant.

Je me sens libéré, prit d'une légèreté que je n'ai pas connue depuis longtemps. Elle m'écoute attentive et c'est déstabilisant, quoi qu'incroyablement apaisant.

- Je suis désolée, Nathan. Ça doit être terriblement difficile pour vos. Mais, elle hésite, vous n'êtes pas seul. Je suis là si vous avez besoin de parler. Vraiment.

Elle pose une main réconfortante sur mon bras avant de la retirer, ignorant que ce geste anodin me réconforte. L'espace d'un instant, je me sens moins accablé par le poids de mon passé. Mais je me contente d'un haussement d'épaules, m'efforçant de paraître stoïque comme si l'agression ne m'avait pas affecté, que je suis invincible. C'est un effort constant, une bataille intérieure pour dissimuler la douleur et la confusion qui m'habitent. Je garde le visage fermé, le regard dur, espérant qu'elle ne devine pas la tempête qui fait rage en moi. Pourtant, elle semble voir à travers mon masque.

- Nathan, il n'y a aucune honte à baisser ses barrières, dit-elle doucement, ses yeux cherchant les miens. Vous avez le droit d'exprimer ce que vous ressentez. C'est parfaitement humain.

La demoiselle touche une corde sensible. Je sens la colère monter, une colère dirigée autant contre elle que contre moi. Comment ose-t-elle me dire cela ? Comment peut-elle comprendre ce que je traverse ?

- Tu ne sais rien de ce que je ressens ! Dis-je sèchement, ma voix plus dure que je ne l'avais prévu. Je n'ai pas besoin de ta pitié.

Elle recule, surprise par ma réaction, tandis que je me lève.

- Le sujet est clos. Je me tourne vers la porte. J'ai du travail.

Je m'éloigne, laissant derrière moi une Guiliana perplexe et incapable de mesurer l'ampleur des dégâts causés par ses mots.

Je m'éloigne, laissant derrière moi une Guiliana perplexe et incapable de mesurer l'ampleur des dégâts causés par ses mots

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BE MINE IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant