Chapitre 44

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Le rituel du café est devenu un automatisme. Chaque matin, je prépare deux tasses, oubliant qu'il n'y a plus personne pour boire la seconde. Aujourd'hui encore, je verse machinalement le café dans deux tasses, réalisant mon erreur trop tard. Je jette un coup d'œil au récipient vide, une pointe de tristesse aux souvenirs des avertissements de Billie qui m'avait pourtant prévenue, et que j'aurais dû écouter.

Je m'installe à la table, le regard perdu dans le vide. Les paroles de Jim tournent en boucle dans ma tête.

Je suis désolé,
Je t'aime,
Tu es tout ce que j'ai !

Mais je les sais fausses, autrement mon cœur ne serait pas en miette et les secondes qui s'écoulent, une torture.

Je me lève lentement de table ne pouvant plus supporter cette inactivité, et me dirige vers la fenêtre pour observer la rue en contrebas. La ville est vivante, les gens vont et viennent, inconscients de la tempête qui fait rage en moi. Nathan a promis de rentrer vite, sans plus de précision. Peut-être qu'il cherche des réponses, tout comme moi. Je me demande si je devrais lui en parler quand il rentrera, mais pour l'heure je suis seule avec mes pensées, l'ombre de Jim me collant à la peau comme une preuve indélébile de mon amour pour lui.

Mais assez de me morfondre ! Les vastes pièces me rappellent cruellement ma solitude, et l'idée de rester enfermée dans cet immense penthouse, aussi luxueux soit-il, me donne l'impression de broyer du noir, de m'enfoncer davantage dans ma mélancolie. Les murs m'étouffent et ravivent les souvenirs de l'acte de violence qui a mis un terme à notre histoire. Je ne veux pas passer une soirée de plus à errer sans but dans ce décor opulent, où chaque objet me semble étranger, le silence oppressant. J'ai besoin de voir autre chose, de m'échapper.

En quittant l'appartement je me sens légère, prête à affronter la chaleur de l'après-midi et l'agitation de la ville

L'épicerie du coin me semble un refuge, un endroit où je pourrais me mêler à l'anonymat de la foule. La cloche de la petite boutique tinte alors que je pousse la porte. L'air intérieur est rafraîchissante comparé à l'humidité extérieure. Je parcours les allées, cherchant distraitement une idée de plat. Les étagères sont remplies de produits familiers, mais mon esprit est ailleurs.

Depuis que j'ai quitté l'appartement de Nathan, j'ai eu un besoin de marcher, d'établir une distance avec les souvenirs qui me hantent. La gifle de Jim me reste en travers de la gorge. Je me demande où il, ce qu'il fait. Mais ces pensées ne mènent nulle part, si ce n'est à davantage de douleur.

J'attrape un paquet de pâtes, des tomates et quelques légumes avant de rejoindre la sortie, la caissière m'adressant un sourire que je peine à retourner. Une fois dehors, je me dirige vers la station de métro la plus proche. J'ai besoin de sortir, de voir autre chose que quatre murs. Les rames passent à toute vitesse, les bruits métalliques résonnant dans l'air humide du sous-sol. Je me fraye un chemin parmi les passagers, guidée par le flot de personnes.

Assise dans le wagon, j'étudie les visages fermés, chacun d'eux racontant une histoire, une solitude feinte par le masque qu'ils arborent. Mon téléphone vibre, affichant  un message de Sarah :

« Tu veux qu'on se voit ce soir ? J'ai entendu parler d'une nouvelle boîte de nuit à Brooklyn, ça pourrait nous changer les idées. »

Je hoche la tête, bien qu'elle ne puisse pas le voir. Une soirée, des gens, de la musique. C'est exactement ce dont mon âme a besoin.

« D'accord, à quelle heure ? »

Sa réponse ne tarde pas :

« Vers 23h00, à la station Bedford Ave. Ça te va ? »

BE MINE IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant