Guiliana est une brillante étudiante en médecine. Depuis son enfance ses parents ont planifié chaque étape de vie, l'encourageant à poursuivre une carrière prestigieuse et sécurisée. Cependant, une passion secrète grandit en elle : la mode. Fascinée...
Je prends mon téléphone et compose le numéro de Guiliana. Je sais qu'elle doit se poser des questions, et je n'aime pas la laisser dans l'incertitude. Après quelques sonneries, elle décroche.
- Salut, c'est moi. Juste pour te prévenir que je rentrerai tard ce soir.
- Tout va bien ? S'enquit-t-elle.
- Oui, tout va bien. Rien de grave. Je dois juste m'occuper de quelques affaires personnelles. Je fais de mon mieux pour ne pas révéler l'endroit où je vais. En attendant fais comme chez toi, et n'hésite pas à demander à la domestique de te préparer à manger si tu as faim.
- D'accord, répond-elle doucement.
- Je rentre dès que possible.
Je raccroche, me sentant légèrement coupable de ne pas être totalement transparent avec elle. Mais il y a des choses qu'elle ne doit pas savoir, pas encore. Je prends une profonde inspiration, annule mes rendez-vous de l'après-midi et me dirige vers ma voiture.
Mon GPS indique la direction de Greenwich, une banlieue aisée et verdoyante de la région de New York, située à environ une heure de Manhattan, où vivait la mère de Jim si ma mémoire est bonne.
En route, des souvenirs de notre jeunesse me reviennent en tête. Je repense à notre rencontre au Northbridge Academy, un collège privé pour jeunes prodiges. Mon père, un homme d'affaires influent et strict, avait insisté pour que j'étudie dans cette institution réputée. J'étais un enfant introverti et hautain, le produit d'une éducation rigide et d'un manque d'amour paternel. A l'image de leur relation tumultueuse. Jim, quant à lui, était tout l'opposé. Espiègle, bagarreur, il avait cette énergie brute et indomptable. Sa mère, une femme incomprise et aux moyens limités, avait sacrifié énormément pour lui offrir une éducation de qualité. Elle voulait lui donner une chance de s'en sortir, de ne pas finir comme elle.
Notre amitié avait commencé de manière inattendue. Un groupe d'enfants d'un collège voisin, jaloux de ma richesse et de mon statut, avait vu en moi la cible parfaite. Ils connaissaient mon itinéraire quotidien et cherchaient à me soutirer de l'argent. Jim s'était interposé ce jour-là, prenant des coups à ma place. Je me souviens encore de son visage ensanglanté et de son sourire fier aux lèvres. Pour le remercier je l'avais invité à prendre le goûter chez moi, la première personne que j'avais jamais invitée à la maison.
Depuis ce jour, notre amitié était devenue inébranlable. Ma mère dans sa grande générosité l'avait accueilli à bras ouverts ; alors que mon père ne s'était jamais préoccupé de notre amitié, préoccupé par ses obligations professionnels. Ce qui n'était pas plus mal, car son absence a permis à Jim de trouver refuge chez nous, loin de ses problèmes domestiques.
L'autoroute s'étire sous mes paupières lourdes de fatigue, faisant resurgir une certaine nostalgie au souvenir de qui nous étions et ce que nous sommes devenus. Nous avons tous les deux changé, façonnés par nos expériences et nos épreuves. Mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour sa santé. Ses démons intérieurs, ses blessures non cicatrisées. Ses merdes le rattrape et menacent de détruire non seulement sa vie, mais aussi l'avenir de notre entreprise s'il ne se prend pas rapidement en main.
Lorsque j'arrive enfin devant la petite maison de Laura Bennett, je prends un moment pour détailler la devanture, frappé par l'état déplorable du jardin. Jadis un espace de verdure bien entretenu, il ressemble à présent à un terrain à l'abandon. Les herbes folles envahissent ce qui était autrefois un parterre de fleurs, leurs tiges enchevêtrées et en désordre grimpent jusqu'aux fenêtres du rez-de-chaussée. Les rosiers, autrefois taillés avec soin, ont des branches noueuses et couvertes d'épines, témoignant d'un manque d'entretien.
Les arbustes qui formaient des haies nettes et symétriques sont maintenant des masses informes, certains poussant de manière anarchique tandis que d'autres ont dépéri, laissant des espaces béants. Le vieux chêne majestueux sous lequel nous piqueniquions a perdu ses branches principales, qui jonchent maintenant le sol, entourées de feuilles mortes et de détritus divers.
Le gazon est une mosaïque de taches brunes et de mauvaises herbes, avec des monticules de terre indiquant la présence de taupes. La balançoire en bois, accrochée à une branche basse du chêne, grince doucement sous la brise, ses cordes effilochées par le temps. Là, près de la maison, les plates-bandes sont un enchevêtrement de plantes envahissantes et de déchets, des pots cassés et d'outils de jardinage rouillés éparpillés ici et là. L'ancien bassin ornemental est un marécage de boue et d'eau stagnante, attirant une nuée de moustiques et autres insectes.
C'est dans cet environnement délabré que se dresse la maison de Laura Bennett, une ombre de sa gloire passée qui reflète l'état intérieur de sa propriétaire. Je frappe à la porte et attends, me demandant comment elle va réagir en me voyant après toutes ces années.
Après quelques instants, la porte s'ouvre sur une femme aux cheveux grisonnants, avec des yeux fatigués mais toujours chaleureux. Elle me reconnaît immédiatement.
- Nathan ?
- Bonjour, Mme Bennett, je force un sourire. Je suis désolé de débarquer à l'improviste, mais je dois vous parler de Jim.
Ses yeux s'assombrissent légèrement, mais elle s'écarte pour me laisser entrer.
- Viens, entre.
Lorsque les parents de Jim ont divorcé, sa mère s'est retrouvée avec des dettes insurmontables sur les bras. Les factures s'accumulaient, les créanciers frappaient à sa porte. Laura n'avait d'autre choix que de travailler plus, sans jamais parvenir à renflouer ses dettes. Elle perdait plus d'argent qu'elle n'en gagnait, et chaque mois semblait un peu plus difficile que le précédent. La pension familiale que lui versait son ex-mari, ainsi que les aides de l'État pour soulager son statut de mère célibataire en situation de précarité, n'étaient jamais suffisantes. Résultat, Jim, à seulement quinze ans, a dû trouver un travail pour l'aider à surmonter le coût de la vie. Il enchaînait les petits boulots : coursier, aide-mécanicien, serveur dans un fast-food. Ses journées étaient une succession de labeur et d'épuisement, jonglant entre ses études exigeantes à Northbridge Academy, et ses nouvelles responsabilités familiales. Laura ne s'occupait de lui que par obligation, son esprit de plus en plus embrouillé par les drogues et les jeux de pari dans lesquels elle plongeait années après années.
La revoir est une épreuve en soi, tant je n'ai aucune envie d'être ici, surtout aux vues de ce qu'elle est devenue et la manière dont elle a lâchement abandonné son enfant. C'est difficile d'imaginer qu'une femme puisse laisser son propre fils s'éteindre sous le poids de responsabilités qui ne devraient pas lui incomber.
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