Gayle

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Dans l’ascenseur, je suis entre deux hommes de main de Leblanc, chacun pointant sur moi une mitraillette. Je souris quand l’un d’eux me regarde à travers le miroir, un avertissement dans le regard. Je suis peut-être folle, mais je ne ressens pas une très grande peur. Que pourraient-ils me faire que je n’ai pas déjà subi ? Je crois que voir la voiture de Dante s’éloigner dans la nuit m’a fait plus de mal que tous les coups que m'a si gentiment distribués le petit homme. Je ne comprends absolument rien à ce qui a bien pu se tramer dans mon dos, mais j’espère que Riccardo n’y a pas pris part. Je préfère mourir qu’apprendre que j’ai été trahie par celui qui avait juré de me protéger. Non, Riccardo est peut-être beaucoup de choses, mais jamais il ne me fera du mal intentionnellement. Le petit diable sur mon épaule se met à ricaner, me rappelant que je connais à peine Riccardo Gaviera. Dante m’a bien trahie, pourquoi pas lui ? Je déglutis quand l’ascenseur s’ouvre sur une grande pièce, brillamment éclairée. Le sol en marbre est chauffé. Adrian Leblanc se tient devant l’immense baie vitrée. Je frissonne, il m’arrive d’oublier à quoi ressemble ma mère, les traits de son visage deviennent flous et quand ça arrive, je panique, je me trouve horrible. Mais cet homme, jamais je n’oublierai à quoi il ressemble. Il m’a tellement pris, et je présume qu’il ressent la même chose à mon égard. Il a un énorme sourire, faisant apparaître ses pattes d’oies. Les deux types me conduisent jusqu’à lui, nous sommes bientôt rejoints par Jawad, Claude et le petit homme. Je présume que son petit groupe est au complet.

– Tout ce mal pour ça, crache la fille. Je propose qu’on la zigouille, elle nous a posé assez de problèmes.

– Non, contredit Jawad, elle sait des trucs sur la Cosa Nostra, il faut lui soutirer des informations. Je me lèche les lèvres.

– Alors je te conseille de gagner du temps, Jawad. Jamais je ne trahirai la Cosa Nostra. Claude se met à rire.

– Tu veux rester fidèle à l’organisation qui t’a livrée à nous sans scrupule ? Elle secoue la tête comme si elle n’en revenait pas.

– Tu te prends pour une dure maintenant, mais n’oublie pas une chose, tu n’es qu’une femme.

– C’est drôle, Jawad, mais c’est grâce à une femme que tu es là. Elle aurait dû choisir la pilule du lendemain.

Il me frappe du revers de la main. Putain ! Respire.

– C’est tout ce que tu as ? Frappe plus fort, donne ce que tu as. Montre-moi ta force virile.

– Je vais te briser, Gayle.

– C’est déjà fait, tu as tué ma mère. Il commence à vociférer et je l’écoute sans détourner mon regard de leur patron qui me le rend. L’avoir devant moi me rend faible. J’ai l’impression de redevenir la fille naïve qui a atterri sur son lit à Avignon. Quand il abusait de moi, je m’étais jurée de le tuer. Voilà, j’ai trop attendu et encore une fois, c’est lui qui dicte les règles du jeu. Malgré tout ce que j’ai vécu depuis que je suis en Sicile, tout ce que Riccardo m’a appris, je redeviens devant lui une fille naïve et sans défense.

– Tu croyais vraiment pouvoir m’échapper ? Je ne réponds pas, mon corps tremble à cause de toute la haine qu'il m’inspire.

– Perso, je suis très impressionné, tu as réussi à te mettre Riccardo Gaviera dans la poche. J’ai toujours su qu’il ne fallait jamais lui faire confiance, mais bon, le problème est réglé.

Je regarde Claude sans comprendre ce qu’elle raconte.

– Quoi, tu n’es pas au courant ? Nous avons appris qu’il est en prison et le boss a envoyé quelqu’un pour le zigouiller. À l’heure qu’il est, la pieuvre de l’ombre est morte.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant