Je suis réveillée par la sensation de ne plus être seule. Je suis tout de suite en alerte, et mon cœur s'accélère. Je suis dans la chambre avec Persée, et s'il n'a pas grogné, c'est qu'il n'a pas senti de danger.
J'ouvre doucement les yeux. Quelqu'un est installé à côté de moi. C'est Riccardo, j'en suis sûre. Même dans la pénombre, je reconnais sa stature. Une semaine, une putain de semaine qu'il n'a pas donné signe de vie. Je sais que je ne devrais pas être en colère, mais je le suis.
J'ai pardonné à ce type tous ses mensonges, j'ai accepté de vivre avec son handicap mental. J'ai fermé les yeux sur les sévices physiques qu'il m'a infligés, et lui n'a même pas été capable de m'écouter, de me donner une chance de m'expliquer.
Je tends la main pour allumer la lampe. Riccardo est installé sur le sol, torse nu, en pantalon de jogging. Il empeste l'alcool, et pour cause, il y a une bouteille posée par terre, un verre dans la main.
Son expression me glace. Je reste prudemment sur place, ne sachant pas comment réagir. Je me force à ne pas rouler sur le côté quand il tend le bras pour poser la main sur ma tête et écarter mes cheveux de mon visage.
Merde. Ma lèvre se met à trembler, et les larmes que je ne pensais plus avoir, à force de pleurer sur son absence cette semaine, roulent sur mes joues. Putain, je m'étais promis de me montrer forte. Le soir où Rebecca lui a montré la vérité, j'ai perdu mes moyens, paralysée par la peur. Mais là, il n'est pas question que ça se reproduise, je ne vais pas agir comme une coupable alors que je suis innocente. J'ai fait une énorme bêtise en suivant Franco, mais je n'ai pas voulu qu'il mette de la drogue dans mon eau ni qu'il me touche sans mon consentement.
Il suit la ligne de ma joue, et je ferme les yeux en laissant aller mon visage contre sa paume légèrement rêche.
– Depuis quand es-tu là ?
– Une trentaine de minutes. Je te regardais dormir, tu as l'air tellement sereine quand tu dors. Ça claque comme une accusation, comme si je n'ai pas le droit d'être sereine après ce que je nous ai fait. Mais je ne le suis pas, j'ai passé la pire semaine de ma vie, être ignorée par la personne qu'on aime et savoir qu'il nous ignore parce qu'on l'a blessé, il n'y a vraiment rien de pire.
– Je ne voulais pas te réveiller. Je voulais juste te regarder dormir.
Je déglutis avant de me lever en écartant les couvertures. Ses yeux tombent sur mes jambes nues, il se crispe avant de détourner le regard. Je retiens sa main quand il est sur le point de s'éloigner.
– Où étais-tu ?
– Ici et là. Il répond vaguement. "Ici et là", ça ne signifie pas grand-chose. J'ai essayé de le retrouver, mais c'est comme s'il s'était volatilisé. La Sicile ne m'a jamais paru aussi grande.
– Démon ?
– Oui.
Pas de "oui, petite serveuse" ? Je m'en contenterai, pour l'instant.
– Tu es prêt à m'écouter ?
Il ne répond pas, et je comprends qu'il n'est pas prêt à m'écouter. Ça me met dans une position très délicate, car je n'ai que mes mots pour redorer mon blason.
Je glisse hors du lit pour atterrir sur ses jambes. J'ai besoin de le toucher, de lui faire comprendre qu'il n'y a que lui qui compte et qu'il en sera toujours ainsi.
À califourchon sur ses jambes, je fais de mon mieux pour ne pas froncer le nez, mais l'odeur de l'alcool mélangée à celle de l'herbe qu'il a fumée est beaucoup trop forte. Il a les yeux dilatés à l'extrême, les joues creuses et des cernes immenses. Merde, la culpabilité m'assaille. C'est de ma faute s'il est dans un état aussi lamentable.
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L'ombre 2
RomanceRiccardo Gaviera est venu au monde pour être le bras armé de son frère. Il n'a jamais eu à faire de choix puisque toute sa vie a déjà été décidée pour lui. Mais de nature indomptable et irréfléchie, celui qu'on surnomme la pieuvre de l'ombre est le...