Tony Rivera

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Je me redresse quand j’entends le bruit de la serrure. Derreck avait dit qu’il viendrait me prévenir quand il serait temps. Même si dans ce trou à rat, j'ai complètement perdu la notion du temps, je suis persuadé qu’il est encore très tôt.

La lourde porte s’ouvre sur le gardien en chef. Il est accompagné de Derreck et de trois armoires à glace que j’identifie comme des détenus de la section 3. Je regarde mon seul allié dans cette prison, les sourcils arqués. M’a-t-il balancé ?

Le gardien en chef leur fait signe et ils se précipitent sur moi. J’envoie instinctivement un coup de pied à la mâchoire de celui qui fonce dans ma direction, je bondis hors du lit. Putain, où est-ce que j’ai foutu mon couteau ?
Deux types réussissent à me saisir et ils me tirent en direction de la sortie. Ils ne me lâchent pas même quand nous sommes dans les dédales faiblement éclairés de ce côté de la prison. Ceux qui sont en isolement sont de la pire espèce et il n'est pas étonnant que les autorités de la prison ne veulent pas mettre de la racaille comme nous sous la lumière.

Que dit le dicton : il faut planquer sa merde ?
Mon regard passe en revue le petit groupe.
Putain, que se passe-t-il ? Ce couille molle de Derreck m’aurait-il balancé ? Non, il n’est pas fou à ce point. Le troisième détenu, un type chauve aussi grand que Big Show, me fait face. Son sourire ne me dit rien qui vaille. Le gardien en chef commence à parler, mais le premier coup que je reçois à la tête est putain de violent, il bouche mes oreilles m’empêchant d’entendre ce qu’il déblatère. Je saisis néanmoins des bribes comme : “Rituel”, “Isolement”.

Il me donne un coup de poing dans le ventre, j’expulse un filet de salive en me pliant en deux, mais ses deux complices me tiennent fermement, m’empêchant de m’effondrer. S’ensuivent plusieurs crochets du droit, les coups n’arrêtent pas de pleuvoir, chacun plus violent que le précédent. Même un sac de sable n’encaisse pas autant en si peu de temps. C’est quoi ce délire ?

– Désolé mon pote, rien de personnel, mais j’aurai deux gâteaux au dessert, c’est le luxe ici.

Il saisit ma tête jusqu’à ce que nos yeux se croisent, il me donne un coup avec la sienne. Putain, bordel de merde, ce mec, c’est un putain de taureau.

– Ça suffit pour aujourd’hui.

Le gardien en chef pousse Big Show, il me prend en photo, j’ai le visage en sang et j’ai du mal à ouvrir les yeux. Je ne parle même pas de mes côtes, ce fils de pute m’en a sûrement brisé plusieurs.
Les acolytes de Big Show me lâchent, mais ils restent néanmoins à côté de moi comme s’ils attendaient le moment d’en remettre une couche.

– Je vais garder cette photo pour la montrer à ta salope. Il fait mine de réfléchir, je pourrais lui dire que si elle me suce, j’empêcherai les autres détenus de te faire du mal. Tu penses qu’elle t'aime assez pour accepter ?

Je sens mes pupilles se dilater comme quand, à l’époque, je m’injectais de l’héroïne pour le plaisir de planer. Sauf que cette fois, ce n'est pas pour planer. Imaginer Gayle avec ce type me rend dingue, juste m’imaginer qu’il fantasme sur elle me rend complètement barge.
Oubliant toute prudence et même la douleur qui me brûle les côtes, je fonce dans sa direction, je lui saisis le cou à deux mains, son téléphone lui échappe et je le piétine sous ma botte, brisant l’écran. Je soulève le gardien en chef, le plaquant contre les barreaux.

– Putain, faites quelque chose. Braille le gardien en chef. Je resserre ma prise tout en lançant un regard à Big Show et à ses complices, je suis fort mais à eux trois ils vont me massacrer pourtant ils se contentent de me regarder avec un sourire. Voir le gardien en chef dans cette position les amuse. Pas étonnant, les détenus de la section trois sont classés comme les plus dangereux de la prison parce qu’ils sont indomptables.
Je me concentre sur ma proie, le désespoir a envahi ses yeux quand il a pris conscience que personne ne viendra l’aider. Je serre plus fort sa misérable gorge, plaquant son corps tremblant contre les barreaux.

– Répète ce que tu disais sur ma salope.

Son visage a viré au rouge, il braille comme un gosse, se retenant désespérément à mes mains pour essayer de respirer. Comment ce minable a-t-il pu devenir gardien en chef d’une prison comme celle-ci ? Il n’essaie même pas de se défendre.
Je pourrais le tuer, briser son cou comme on brise une vulgaire brindille, mais j’ai un objectif et j’ai assez attiré l’attention sur moi. Je le relâche. Dès que je m’éloigne, ses jambes se dérobent. À quatre pattes, il se met à vomir son repas certainement plus copieux que celui qui a été servi à tous les prisonniers aujourd'hui. Je souris en posant la semelle de ma chaussure sur sa tête, le poussant face contre son vomi.

– Tu as trouvé ta place, à mes pieds. Big Show et ses complices éclatent de rire et je distingue le cliquetis d’une arme. Derreck a été rejoint par plusieurs autres gardes.

– Ça suffit, Rivera. Il y a une sorte de supplication dans ses yeux, je m’éloigne du gardien en chef.

Les autres ordonnent à Big Show et compagnie de retourner dans leurs cellules et Derreck me conduit dans la mienne.

– Je suis désolé, ce n’était pas prévu mais le gardien en chef réserve ce genre de cadeau aux prisonniers retenus en isolement. Il en a même tué un comme ça.

Je ne réponds pas, je me contente de me laisser tomber sur mon lit. Ce satané matelas est si dur qu’il me refile des courbatures.

– Cette fille, c’est celle avec qui tu étais Au Point, c’est la deuxième fois que tu essaies de tuer quelqu’un à cause d’elle. Je me passe la langue sur ma lèvre fendue.

Il veut faire la causette maintenant ? Pourquoi tout le monde dans cette foutue prison n’arrête pas de parler d’elle ?

– Pas à cause. Pour elle. Viens me prévenir quand il est l’heure, il faut en finir.

Il hoche solennellement la tête avant de s’en aller.

L’obscurité et le silence reviennent.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant