Gayle

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Il est minuit passé quand je pousse la porte de chez moi. Emma est devant la télé avec à la main son éternel jus de concombre. Je ferme la porte et m'y adosse.

– Salut, où est le vieux ?

Je la regarde, désespérée, puis les larmes que je n'arrivais pas à libérer dévalent sur mes joues. Putain, la soirée avait pourtant bien commencé, tout se passait bien et maintenant c'est le chaos. Je ne comprends même pas comment on est passés de se faire des confidences au cinéma à se blesser avec nos mots au milieu de nulle part. Je regrette tellement ce que je lui ai balancé sur sa mère. Ça n'a duré que quelques secondes, mais j'ai bien vu dans ses yeux que mes mots l'ont touché plus que ce que je lui avais dit auparavant.

– Gayle, où est papa, tu m'inquiètes là ? Je nettoie mon nez avec la manche de ma veste avant de regarder ma sœur qui se tient devant moi.

– Je suis désolée. On était dans la voiture et des tireurs nous ont pris pour cible, papa a été touché. Je la retiens alors qu'elle tangue sous le choc. Je m'attends à ce qu'elle me repousse, qu'elle me frappe, qu'elle m'accuse d'être porteuse de malheurs. Mais elle ne fait rien de tout ça, à la place, elle me prend dans ses bras et me serre très fort contre elle. J'entoure sa taille de mes mains en lui rendant son étreinte.

– Il est hors de danger, mais ils le gardent en observation.

– Et toi, ça va ?

Je secoue la tête sans pour autant m'éloigner d'elle.
– J'en sais rien. Emma, je crois que j'ai fait une grosse bêtise.

– Pourquoi ?

– Riccardo, j'ai perdu la tête et je l'ai vraiment blessé.

Elle se met brusquement à rire, ce qui m'agace.

– Excuse-moi, mais wesh, ce mec est tellement à fond sur toi, même si tu lui plantes un couteau dans le cœur, il te pardonnera.

Merde, je l'ai déjà fait. Je l'ai poignardé et il n'a pas hésité à perdre 5 mois de sa vie pour moi.
Une chose est sûre : nous ne sommes pas le couple le plus équilibré qui soit.

– J'ai besoin d'une douche, je marmonne, la mort dans l'âme.

– Une minute, il est où mon père ?

– Quelque part, où il se fait soigner.

– Mais encore ?

– J'ai besoin d'une douche.

Je monte dans ma chambre en priant que Dominguez n'ait pas foutu de corps sous le lit. Ce soir, je serais incapable d'en supporter davantage. J'arrive à saturation.

Je descends au salon 20 minutes plus tard, vêtue d'un short et d'un débardeur. Je manque de me casser la gueule en sautant une marche par inadvertance parce que j'ai la tête plongée dans mon téléphone, plus exactement dans mes discussions avec le démon.

Pourquoi ne m'a-t-il pas envoyé de message ? Peut-être qu'il s'est fait attaquer. J'ai pris sa voiture et je l'ai abandonné au milieu de nulle part. Jamais lui ne m'aurait fait ça. Putain, je suis vraiment une personne horrible.

– Tiens, tu verras, tu te sentiras bien. Elle me présente un verre rempli de jus de concombre. Je soupire, je n'ai même pas la force de râler. Je m'installe sur le canapé et on commence à regarder les chroniques criminelles en silence.

– Après une dispute, c'est toujours l'homme qui doit envoyer le premier message. Tu dois te faire désirer. Surtout toi, tu as beaucoup de chance.

– En quoi suis-je chanceuse ?

– Ton mec est plein aux as, fais-toi désirer et il t'offrira des bijoux de valeur. Tu pourrais même lui demander une villa pour nous. Ou mieux, je veux aller vivre aux États-Unis. Je soupire, Emma sera toujours Emma qu'il pleuve ou qu'il vente.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant