Gayle

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– Tout va bien ? C'est la troisième fois que Franco me pose cette question depuis que je suis montée dans sa voiture. On dirait presque qu’il s’attend à ce que tout ne se passe pas bien. J'écarte les mèches de mes cheveux de mon visage avant de vider la bouteille qu’il m’a offerte.

– Oui, tu peux me déposer chez Ellen s'il te plaît ? Maintenant que j’ai bu assez d’eau pour calmer ma colère, je me sens ridicule d’être montée dans la voiture de Franco même si je ne me sens pas personnellement en danger avec lui. Je suis juste foutrement en colère, pour qui se prend-il ? Il ne peut pas se permettre de disparaître sans me donner d’explication, de refuser de me voir et de me coller un garde du corps à mon insu en plus de ça. C’est ridicule. En plus, il couche avec Rebecca ! Qu’est-ce qu’il veut à la fin ? Il pense qu’il peut avoir le beurre et l’argent du beurre.

J’ai plein de raisons de lui en vouloir mais je n’arrive pas à inclure Rebecca parmi ces raisons. Riccardo ne peut pas nous faire ça. Mais qu’est-ce que j’en sais des hommes qui trompent chaque jour ?

Je sens le regard prédateur de Franco sur moi, ou plutôt sur la bouteille que je viens de vider jusqu’à la dernière goutte.

– Tu as toujours aussi soif quand tu es en colère ? Je fais la moue en posant la bouteille sur le tableau de bord. Je ne suis pas en colère, juste folle de rage. Mais ça, Franco n’a pas besoin de le savoir, c’est ma vie privée. Pourtant, je me surprends à lui faire des confidences quand j’ouvre la bouche.

– Être amoureuse, c’est un vrai problème. Je lève les mains au niveau de mon visage. J’ai l’impression qu’elles se sont alourdies.

– Je me suis passée de chaîne invisible. Je suis corps et âme à lui et j’essaie constamment de chercher des excuses à son comportement alors qu’il n’en a pas. J’éclate de rire alors que j’ai envie de pleurer. La voiture roule trop vite, j’ai soudain la nausée quand Franco prend un virage. J’avale ma salive, cette oppression à la poitrine est insupportable, on dirait que j’ai mangé quelque chose de trop épicé.

– Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, tu as choisi l’homme le plus compliqué de la terre. Je décide de ne pas répondre, pourtant je déclare presque contre ma volonté.

– Si tu penses que c’est un truc qu’on peut choisir, alors tu n’es pas amoureux de ta fiancée. Ça ne se choisit pas, c’est un sentiment qui s’impose à toi avec la force d’un boomerang. C’est un sentiment qui te fait aimer les qualités et te pousse à comprendre les défauts, à les comprendre et à les accepter.
Je ramène mes jambes contre ma poitrine et pose ma tête sur mon genou.

– Même quand les actes de la personne que tu aimes n’ont aucun sens ou te blessent, tu lui cherches des excuses parce que ton cœur, ton corps et même ton âme sont incapables d’être loin d’elle. L’indépendance en amour n’est qu’une illusion, la pire des utopie, quand tu aimes quelqu’un, tu es dangereusement dépendante d’elle, aussi addictive que la drogue. Mais pourquoi je te raconte tout ça ? Ma voix est lourde et j’ai envie de dormir. Qu’est-ce qui me prend ?

– Mais si tu avais la possibilité de choisir ? Tu prendrais Riccardo ?

Je regarde Franco, ma vision est floue et j’ai… Non, ce n’est pas possible. Il est revenu !

Je me redresse légèrement, détachant ma ceinture. Je pose ma main sur sa joue.

– Évidemment que je te choisirais encore et encore. Tu m’as tellement manqué.

Riccardo me regarde avec son sourire en coin. Je suis rassurée qu’il soit revenu en un seul morceau. J’avais peur qu’on me le casse en deux en prison. À chaque fois que mon téléphone sonne, j’ai peur que ce soit Luca qui m’annonce qu’il est mort.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant