Gayle

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– Bonjour Jack.

Je baille en pénétrant dans la cuisine. En passant à côté de Riccardo, je lui arrache son verre d’alcool et sa cigarette que je jette dans l’évier. Je saisis des verres propres et les remplis d’eau. J’en pose un devant lui, ignorant ses gros yeux sombres qui me fixent comme s’il voulait me découper. Je me contente de lui tirer la langue de manière narquoise, et je pose mes lèvres sur sa joue, très proche des siennes. En murmurant d’un ton caressant, de sorte qu’il soit le seul à entendre.

– Tu as bien dormi ?

Il penche la tête sur le côté, les yeux plissés au maximum avec une lueur malicieuse. Pour ma part, j’ai très mal dormi. C’est moi qui ai instauré cette période d’abstinence jusqu’à ce qu’on règle nos problèmes. Je n’ai aucune envie que ma relation avec lui ne tourne qu’autour du sexe, mais j’ai du mal à tenir. Hier, je n’avais qu’une seule envie : envoyer valser ma blouse et le laisser faire tout ce qu’il voulait. Merci beaucoup Tara et sa maudite table qui m’a fait une scène interminable.

Mais, outre ma frustration sexuelle grandissante, je suis contente qu’on ait pu avoir cette conversation la veille. J’aurais peut-être dû en profiter pour lui parler de Franco et des mots que j’ai reçus. J’allais le faire, mais je me suis soudain rappelé des événements de Marzamemi et de ce qui arrive quand il perd le contrôle. J’ai pris peur, c’est complètement stupide, mais je ne sais pas comment il va réagir et ça m’effraie.

– B-bonjour Gayle. Répond Jack. Il a rougi jusqu’à la racine des cheveux. Comment ce gamin s’est-il retrouvé en prison ? Il n’a clairement pas le profil d’un criminel. Je sais qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Riccardo est un tueur au visage d’ange, mais Jack a l’air tellement innocent qu’on lui donnerait le bon Dieu sans confession.

– Vous avez bien dormi ? Il questionne après une certaine hésitation, comme s’il se sentait obligé de dire quelque chose pour combler le silence.

– Tu peux me tutoyer, tu sais.

– Non, il ne peut pas. Contre le démon. Jack, qui commence sûrement à s’habituer à son attitude, ne se laisse pas intimider.

– Riccardo lisait ton livre en prison.

– Vraiment ? Encouragé par mon ton conspirateur, le gamin se met à parler plus librement. Je suppose que le fait que Riccardo s’éloigne l’aide à se détendre. Je n’y fais pas attention, mais il a quelque chose de foutrement intimidant.

– Oui, il le lisait tout le temps et refusait que je le touche. Si tu veux mon avis, tu es trop gentil pour lui. Je pouffe en écartant mes cheveux de mon visage.

– Je sais, il est sacrément chanceux de m’avoir. Mais dis-moi, comment tu t’es retrouvé en prison ?

Il grimace. Quand on a fait les magasins, Riccardo a pris des vêtements pour lui. Il s’est presque mis à pleurer et quand il s’est jeté dans les bras du démon, ce dernier s’est crispé comme si Jack était une bombe prête à exploser. J’avoue que la scène m’a bien fait marrer. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps d’immortaliser ce moment historique grâce à mon téléphone que le pauvre Jack a été repoussé comme un vulgaire nuisible.
Même s’il ne l’avouera jamais, je sais qu’il a beaucoup d’affection pour l’adolescent. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi ? Il y a surement quelque chose chez Jack qui l’a touché.

– J’étais dealer. Je n’en suis pas fier, mais je l’ai fait pour aller à l’université. C’est ma copine qui m’a balancé, enfin mon ex. Elle l’a fait pour garder l’argent, sûrement.
Il était dealer !

– Oh, je suis vraiment désolé. Tu l’aimais ?

– Plus qu’elle ne m’aime visiblement.

Riccardo pose une assiette d’œufs au bacon devant moi et une tasse de café fumant.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant