Gayle

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Dix minutes plus tard, James se gare devant le palace. Je descends de la voiture et me dirige à l’intérieur. Je repère mon amie installée près du bar ; son rendez-vous parle en faisant de grands gestes, et Camille l’écoute avec un sourire si crispé que j’ai peur qu’elle se brise les dents. Un serveur me demande si je veux une table, mais je décline poliment. Au même moment, Camille me remarque et cache à peine son soulagement. Je traverse le restaurant d’un pas rapide.

– Camille, bordel, je n'ai pas arrêté de t’appeler ! Oh, bonjour Azuma je ne t’avais pas vue.

– Qu’est-ce que tu fais là ?

– C’est ta grand-mère, elle a fait un AVC, il faut que tu viennes tout de suite. Camille se lève si vite que son siège tombe à la renverse.

– Quoi, Nany ? Oh mon Dieu, partons ! Quelques têtes se tournent dans notre direction.

– C'est horrible, je viens avec vous.
Camille se décompose, on dirait presque qu’elle a envie de pleurer. Je n’ai jamais vu autant de désespoir dans ses yeux, même le jour où elle a découvert la bombe sous la bagnole de Luca, elle n’avait pas cette tête-là. Moi, par contre, je retiens mon rire avec beaucoup de peine.

– Si tu veux, mais sa grand-mère est aux États-Unis. Le regard de Camille s’éclaire.

– Oui, je suis vraiment désolée, mais je dois prendre l’avion. Merci pour ce déjeuner. Elle l’embrasse sur la joue et ramasse son sac.

– Je t’appelle, déclare Azuma.

– Oui, c'est ça. Puis, parlant plus bas, elle ajoute : Seigneur, Arya va me le payer.

Dehors, elle lève les bras au ciel, offrant son visage au vent comme si elle respirait pour la première fois depuis longtemps.

– Tu m’as sauvé la vie. Il a passé tout le repas à parler de sa mère en regardant mon décolleté. Je n’ai pas pu en placer une, maman par ci, maman par là. Ahhhh !

J’écarquille les yeux en remarquant qu’Azuma est sorti. J’essaie d’attirer son attention, mais Camille, dos à lui, continue de parler.

– Maman a fait ceci, c’est une brave femme, elle a participé à la guerre du Vietnam, blablabla...

– Camille...

– Quoi ? Elle se retourne et sursaute, sa gêne sûrement égale à la mienne, voire supérieure.

– Vous avez oublié votre veste. C'est moi qui récupère la veste en cuir, mon amie étant tétanisée. Puis elle se met à rire.

– On répète pour une pièce de théâtre.
Ouch, elle aurait vraiment dû opter pour le silence là. Azuma hoche la tête avant de se diriger vers sa voiture. James éclate de rire et reçoit un coup de coude de la part de la belle brune.

– Arya va me tuer, j’ai brisé le cœur de son ami. James, les bras croisés, déclare :

– Son cœur, je ne pense pas, mais son ego par contre...

– Quel cauchemar, j’avais pourtant dit à Arya que je n’étais pas intéressée. Mais non, tu verras Camille, il est super, tu vas passer un très bon moment… Partons d’ici !

Alors qu’on remonte en voiture, Camille commence à nous raconter à James et à moi, en détail, son rendez-vous infernal. Elle n’a pas pu  placer un mot, à chaque fois qu’elle apportait un sujet, Azuma lui montrait qu’il était plus habilité à en parler et elle a écouté.

– J’ai eu l’impression de faire un bond à l’époque où la seule utilité de la femme était d’être belle et de se taire !

James me regarde à travers le rétroviseur, tout humour ayant disparu de ses yeux bruns.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant