Riccardo

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Quand on arrive à la maison, Gayle me demande de fermer les yeux.

– Tu ne dois les ouvrir sous aucun prétexte, d’accord ? 
– Putain, oui, montre-moi cette surprise ! 
– Je suis à poil. 

J’ouvre aussitôt les yeux pour me confronter à sa mine sévère. 
– Tu as ouvert les yeux ! 
– Tu as menti. 
– Non, j’ai bluffé, maintenant ferme les yeux et viens avec moi. 

J’obéis et cette fois je garde les yeux fermés alors qu’elle me conduit à travers la maison. Je reconnais le bourdonnement de l’ascenseur, puis on arrive dans notre chambre. 
– Reste là et n’ouvre pas les yeux, d’accord ? 
– Promis. 

Ça me demande un effort surhumain, mais ça semble lui tenir à cœur, alors je me force à rester immobile. J’entends une porte s’ouvrir, celle du dressing ou de la salle de bain, puis j’entends des bruissements de tissu. 
– Ne triche pas, hein. Je souffle, impatient de voir ce qui se passe.
– Putain depeche toi !
– Moins de vulgarité. C’est bon, tu peux les ouvrir ! 

Enfin, voilà un ordre auquel je suis ravi d’obéir. Gayle se tient au milieu de la chambre, juste à côté d’une table de massage recouverte d’un drap blanc. Elle porte une petite blouse blanche boutonnée à l’avant, dévoilant son décolleté généreux et ses jambes. Son bracelet de cheville brille sous la lueur des bougies qui éclairent la pièce.

– Je sais à quel point ça a dû être difficile pour toi de voir le docteur, alors j’ai voulu te faire une surprise. Bienvenue au salon de massage de Gayle. Alors, comment tu trouves mon initiative ? 

Son sourire est hésitant, comme si elle avait peur que ça ne me plaise pas. J’ai soudain la gorge nouée. Personne n’a jamais rien fait de tel pour moi. Je me suis tapé la moitié des femmes de l’Italie, la plupart étaient trop heureuses de m’ouvrir leurs jambes. Certaines avaient un fantasme morbide sur les Gaviera. D’autres voulaient voir en moi le sosie du grand Giuse Gaviera. Mais jamais aucune femme ne m’a regardé comme ça, pas même Rebecca qui pourtant à l’époque jurait m’aimer plus qu’elle-même. 

Putain, je n’ai pas le droit de lui faire ça. C’est justement à cause de mon attitude qu’elle ne me croit jamais quand je lui affirme quelque chose. 
– Mais si tu n’aimes pas, on peut faire comme si ça n’avait jamais existé ! Elle ajoute d’un trait, mon silence l’a rendue nerveuse et quand Gayle est nerveuse, elle parle sans arrêt. 
– On rend la table à Tara et hop, on oublie cette idée. Riccardo, pitié, dis quelque chose. 

Je traverse la pièce avant de saisir son visage en coupe. 
– Non ce n’est pas ça, je n’y arrive pas. Écoute, je t’ai encore menti. Avec le docteur Lester. J’ai passé toute la séance à le fixer comme un débile. 

Plusieurs émotions se superposent sur le beau visage de ma princesse, puis elle se mordille la lèvre, chez elle ça peut se traduire par la colère ou l’incompréhension. 

– J’y crois pas. Tu m’as menti ! J’aurais dû m’en douter. 

Elle s’éloigne, me forçant à la lâcher. 
– Techniquement, je n’ai pas menti. J’ai tenu ma promesse, je t’ai promis de voir le médecin, mais je ne t’ai jamais promis de lui parler. Je l’ai vu !
– Tu te moques de moi, tu as joué avec les mots. 

Elle agite le doigt devant mon visage en cherchant ses mots, puis elle soupire de frustration. 
– Mais ça n’a aucune espèce d’importance. Tu sais quoi, je m’en moque, tu fais ce que tu veux ! 

– Écoute-moi. 

– Non, ne me touche pas. On n’y arrivera jamais, cette relation est voué à l'échec !

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant