– Ce sont des antipsychotiques très puissants, monsieur. Je suis au regret de vous dire que je ne peux pas vous les donner sans une recommandation spéciale d'un médecin.Je regarde la pharmacienne avec ses cheveux noirs qui tranchent sur sa peau blanche et ses yeux bleus. Elle remue quelque chose de sombre en moi. Il y a surtout un détail, un minuscule petit détail qui fait toute la différence : elle porte un rouge à lèvres clair. Et elle lui ressemble beaucoup trop.
J'ai dans ma tête des voix qui se déchaînent, j'ai extrêmement mal, la migraine est intense, comme si des millions d'aiguilles s'enfonçaient en même temps dans mon cerveau.
– Monsieur, vous m'écoutez ?
– J'ai l'impression que c'est vous qui ne m'entendez pas. Je. Veux. Mes. Putains. De. Médicaments. Et je les aurai. Je vous donne le choix : vous me les apportez, ou je devrai enjamber votre corps pour aller les chercher.
La fille, à peine âgée de 30 ans, pâlit. Ses yeux se dirigent vers le téléphone. Elle veut appeler la police ? J'ébauche un sourire. Ma main se referme sur mon arme. Je suis sur le point de dégainer quand Luca se matérialise juste à côté de moi. Il retient mon poignet dans un étau de fer ; la pharmacienne ne voit rien parce qu'il y a un comptoir entre nous.
Luca pose une feuille sur le comptoir. C'est l'une de mes anciennes ordonnances. La pharmacienne s'en saisit, la parcourt des yeux, avant de pincer ses lèvres rouges.
– Je suis désolée, mais cette ordonnance date d'il y a deux mois.
– Écoutez, cette ordonnance prouve au moins que c'est son traitement. Je vous donne le triple du prix.
– Ce n'est pas une question d'argent. C'est un traitement qu'il ne faut pas prendre à la légère.
Je repousse Luca et lui colle une balle dans le cou. Elle s'effondre au moment où je passe par-dessus le comptoir pour aller chercher mes médicaments.
On n'est jamais mieux servi que par soi-même, c'est incroyable !
Je tombe nez à nez avec un vieillard. Il a déjà son téléphone en main et compose le 112. Je penche la tête sur le côté avant de sourire.– Boo !
Le vieillard sursaute.
– Je vous donnerai ce que vous voulez, je vous en prie, ne me faites pas de mal.
Son visage se déforme sous mes yeux, et sa voix a quelque chose d'étrange, presque mécanique. Je le repousse, je fais le plein de médicaments, puis je liquide le vieillard. Je me dirige vers la porte en ramenant ma capuche sur ma tête.
– Bon sang, mec, il faut que tu te calmes !
Je fais craquer ma nuque, je jette ma cargaison sur la banquette arrière de la voiture de Luca et je me dirige vers le volant.
– Il n'est pas question que tu conduises. Il s'est passé quoi sur cette route, bon sang ? Qu'as-tu fait de Gayle ?
– Si j'entends encore son nom, je fais flamber cette ville. Contente-toi de conduire et en silence !
Dans la voiture qui nous conduit au QG, je vide la moitié de la première boîte et descends le tout avec de l'alcool. Ma tête va exploser, putain, je veux me déchaîner sur quelque chose autant que possible. J'en ai besoin, c'est vital, comme le sang qui coule dans mes veines. Tuer le pharmacien et sa fille ne m'a pas suffi, j'ai besoin de quelque chose pour canaliser la rage qui bouillonne en moi. Je lance la bouteille sur l'autoroute juste pour le plaisir de la voir se briser en mille morceaux à quelques mètres de là.
En voyant les débris, je ne peux m'empêcher d'y reconnaître ma propre vie. Comme si les morceaux éparpillés représentaient la fragmentation d'une rupture intérieure. Des aspects de ma vie qui ne tiennent plus comme je le souhaiterais, ils me ramènent enfin à la réalité.
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L'ombre 2
RomanceRiccardo Gaviera est venu au monde pour être le bras armé de son frère. Il n'a jamais eu à faire de choix puisque toute sa vie a déjà été décidée pour lui. Mais de nature indomptable et irréfléchie, celui qu'on surnomme la pieuvre de l'ombre est le...