Gayle

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Après le déjeuner, on se sépare. Chacun part vaquer à ses occupations. J'ai été soulagé quand Rebecca a été la première à partir. Je n'ai rien contre elle, après tout c'est Riccardo qui me doit fidélité, mais sa présence me rend mal à l'aise. Cette façon hostile qu'elle a eu de me regarder à table après la déclaration du démon n'a pas arrangé les choses.
Après son départ, Riccardo a essayé de me parler, mais je me suis enfui encore une fois. Je ne voulais rien entendre, même si je suis curieuse de savoir de quoi ils parlaient quand je suis entrée dans la salle à manger.
Il est allé voir Gia, en route, il m'a parlé de la décision de la pieuvre. Celle d'unir Cass avec un certain Reich Miller, futur chef de la Mafia noire de Chicago.
De ce que m'a expliqué Dante à table, à Chicago il y a deux grandes familles mafieuses, les deux plus puissantes en tout cas, les Lambardi qui viennent d'Italie alliés à la Sacra corona unita et les Miller, une famille fondée par un certain Adam Miller qui tire leurs racines de la Nouvelle-Orléans.
Giacomo doit être dévasté. J'ai envoyé un message à Cass, mais elle ne m'a pas répondu. Elle doit sûrement être occupée. Je trouve ça foutrement étrange qu'en 2024 des choses comme le mariage arrangé puissent encore exister.

Je m'installe derrière un petit bureau en bois verni. J'essaie de détendre mon sourire, mais la foule me rend nerveuse même si cette foule est composée de personnes qui ont adoré mon livre et qui cherchent à me rencontrer.

- Respire et tout ira bien, ce ne sont pas des journalistes. Gil m'en veut toujours depuis ma première et dernière interview désastreuse. Une chose est sûre, je ne verrai plus jamais de journalistes de ma vie, pour mon plus grand bonheur.

La première lectrice s'avance dans ma direction. À chaque fois que je suis dans ce genre de situation, j'ai envie de pleurer. L'adolescente en moi, celle qui lisait des livres en rêvant elle aussi d'en écrire, est incapable de se tenir tranquille, elle jubile.

- Je suis tellement heureuse de vous rencontrer, vous êtes tellement belle, déclare la fille devant moi presque en sautillant. Je lui souris sincèrement, les yeux humides. J'aurais dû penser à prendre des mouchoirs.

- Merci, c'est gentil. J'adore tes bracelets ! Elle écarquille les yeux, surprise que j'aie remarqué ce petit détail. Elle les place devant moi, ils ressemblent à s'y méprendre aux descriptions du bracelet que porte la protagoniste de mon histoire.

- Je les ai faits moi-même, j'ai hâte de lire le tome 2 !

Moi aussi ...
Je signe son livre, puis elle s'éloigne, remplacée par une autre fille.
Puis c'est un homme qui se met devant moi. Je suis assez déstabilisée. Oui, j'ai plein de lecteurs masculins, mais ce type avec sa taille impressionnante et ses tatouages a plus le profil pour travailler pour la pieuvre que pour lire une dark romance.
Oui, je sais, je me perds en préjugés stupides.

- Bonjour, c'est un cadeau pour ma femme.
Comme c'est gentil. Cet homme est le mari dont tous les lectrices ont besoin.

- C'est adorable. Quel est son nom, ou je pourrais le signer avec votre nom et le sien, ça serait original. Il sourit, ses yeux se plissent legerement. C'est étrange, mais quand on le regarde de plus près, on a l'impression que son visage a des plis irréguliers.

- C'est bien, je m'appelle Billy Saint et ma femme c'est Éloïse. Je fais une rapide dédicace avant de lui donner le livre en souriant. Nos mains se touchent quand il le récupère et il a comme un sursaut. Mon sourire se fait gêné, je murmure des excuses presque machinalement. Il reste là, sans bouger alors que le garçon derrière lui semble clairement s'impatienter.

- J'espère que votre femme va l'aimer.

- Je n'en doute pas. Mais il ne bouge toujours pas, c'est comme s'il veut me demander quelque chose, il attend quelque chose. Ses yeux s'abîment dans les miens et une peur irrationnelle s'empare de moi. Mes doigts se crispent sur le stylo, je le serre tellement fort que j'ai peur de le casser.
Le garçon derrière lui, lui touche l'avant-bras, il tressaille et fusille le garçon du regard. Pendant une fraction de seconde, j'ai peur qu'il s'en prenne à lui mais à la place, l'homme me fait un signe de la main et s'éloigne.
- Enfin mon tour ! Je souris au suivant.

L'ombre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant