Chapitre 17 : Jeu

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Calliope

Dès l'aube, nous avons ramassé nos affaires sans que l'un de nous ne parle de ce qui s'est passé ou non cette nuit – aucun de nous n'a parlé, tout court. Nous avons repris la route silencieusement, Newton, vêtu de son tee-shirt de la veille, moi, portant le sweat à l'odeur démoniaque.

Très rapidement, nous avons mis la main sur le troisième indice et nous dirigeons à présent vers le point d'arrivée.

Les mains autour des lanières de mon sac et le regard perdu dans l'horizon, je me refais le film de la soirée d'hier et décide qu'il s'agissait d'un rêve. À chaque fois que Newton a posé ses sales pattes sur moi, c'était pour me provoquer, pour se venger de mes propres provocations. Je ne vois pas ce qui l'aurait conduit à me câliner au beau milieu de la nuit, c'est insensé.

Il me déteste. Je le déteste. Point à la ligne.

Cette idée à présent ancrée dans ma tête, j'inspire une grande bouffée d'air et me reconcentre sur notre destination. Le peu de temps que nous avons dormi n'a pas aidé mon corps à se remettre de la première journée de randonnée, si bien que mes muscles courbaturés m'empêchent de marcher à vive allure. Je me retiens de râler bruyamment, mais mon corps tout entier me supplie de faire une pause. Les professeurs ont vraiment pété les plombs à nous faire suivre un tel programme. Je ne suis pas la fille la plus sportive au monde, mais les entraînements répétés avec mon père m'ont permis de gagner un peu en cardio. Je ne sais pas comment une fille qui a peur pour ses faux ongles pourrait survivre dans de telles conditions. Quand je pense que Josh doit se coltiner Molly, je suis persuadée qu'elle lui a demandé de la porter.

— On est arrivés, lance la voix de Newton, m'extirpant de mes songes.

Je relève la tête et fronce les sourcils en n'apercevant rien d'autre que le désert à perte de vue, bordant une route en terre, ainsi que quelques broussailles et rochers éparpillés.

— Tu es sûr que c'est ici qu'indiquait le dernier indice ?

— Vérifie toi-même.

Il me tend la carte que je m'empresse d'analyser. Après quelques instants, je constate moi-même que nous sommes bel et bien arrivés à destination.

— Bon et maintenant ?

Newton soupire, retire son sac à dos qu'il laisse retomber sur le sol, et s'éloigne.

— Eh ! Tu vas où ?

— Je vais pisser. Pourquoi, tu veux me la tenir, B ?

Je roule des yeux en plissant le nez. Ce type n'en loupe pas une pour me mettre mal à l'aise. À parler sans cesse de son engin, je vais finir par croire qu'il en est complexé.

Comme mon collègue, je m'accorde une pause et laisse retomber mon sac en soupirant. Mes cheveux emmêlés sont remontés en un chignon défait, mes fringues puent l'humidité et ma face ne doit plus ressembler à rien à l'heure actuelle. Je me frotte les yeux, épuisée par tant d'effort et surtout pressée que cette journée soit terminée pour pouvoir prendre une bonne douche chaude et me blottir dans un lit douillet.

Le bruit d'un véhicule me fait tourner la tête en direction de la route. J'aperçois le bus arriver au loin, comme le trésor que l'on attendait, comme une oasis au milieu du désert, comme la lumière au bout du tunnel. Finalement, nous étions bien arrivés au point indiqué. Je me fous bien de savoir si nous avons gagné cette foutue compétition, la seule chose dont je rêve est de quitter cet endroit de malheur.

Newton me rejoint, une clope au bec. Je lui adresse un sourire, ne pouvant afficher rien d'autre que ma joie évidente.

Le bus se gare à quelques mètres de nous, madame Joy en descend, le sourire aux lèvres lorsqu'elle nous aperçoit.

Face à faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant