Chapitre 21 : Un goût de déjà-vu

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Calliope

Je fais les cent pas dans ma chambre – ou plutôt, je roule à travers la pièce, assise sur ma chaise de bureau – passant devant ma fenêtre à chaque fois pour m'aider à prendre ma décision. La fin de la matinée annonce que Newton ne devrait pas tarder à rentrer chez lui. Une boule de stress me noue l'estomac à l'idée de devoir frapper chez les Adams pour proposer à mon voisin cette foutue séance de tutorat.

Qui a pondu cette idée ?!

Je ne l'ai pas revu depuis cette soirée d'Halloween durant laquelle je ne suis même pas vraiment sûre de l'avoir réellement vu. En plus de ça, j'ai totalement abdiqué. J'ai avoué à Josh qu'il me plaisait et je suis en train de me faire avoir à mon propre piège. Moi qui voulais me jouer de lui comme il le fait avec moi, il n'a pas fallu plus de deux jours pour que je déclare forfait. C'est pathétique. Si je n'avais pas la cheville immobilisée, j'irais me défouler sur le punching-ball au sous-sol, ça me manque de ne plus pouvoir frapper.

Un appel me fait sursauter. Je suis dans un état tel que même la sonnerie de mon téléphone parvient à me surprendre. Je fais rouler ma chaise jusqu'à mon bureau et décroche mon téléphone, un sourire aux lèvres lorsque je vois le nom « Mamie Elisabeth » s'afficher.

— Coucou, ma chérie, comment tu te sens ?

Je pousse un soupir de bonheur. Rien qu'entendre le son de sa voix douce me remonte le moral.

— Coucou, mamie, ça pourrait être pire. Je reprends les cours demain. Et toi ? Ton vieux cœur est toujours bien accroché ? gloussé-je.

Ma grand-mère rigole avant de me dire que « son vieux cœur » est peut-être même plus solide que le mien à présent.

— À deux doigts de pouvoir figurer dans Cyberpunk, dis-je en rigolant.

— Je n'ai aucune idée de ce dont tu parles, mais j'imagine que c'est censé être drôle.

Parfois, j'oublie que nous n'avons pas le même âge elle et moi. Elle est tellement forte, drôle et aussi en forme qu'une jeunette de vingt ans que j'ai l'impression qu'elle pourrait être éternelle. Apprendre que l'âge avait affaibli son cœur m'a mis un sacré coup. La voir partir est l'une des choses qui m'effraient le plus au monde.

Me voilà à lui faire une courte explication de ce qu'est « Cyberpunk ». En clair, je lui dis qu'à présent qu'elle a une machine dans son corps, on peut dire qu'elle est en partie bionique et qu'elle ressemble déjà plus à un robot que moi. Mes explications la font rire de nouveau, enveloppant mon cœur de chaleur, tandis que je comprends qu'elle est réellement aussi en forme qu'elle le prétend.

— Mon spectacle de musique est dans deux semaines au fait. J'espère que ma cheville sera remise d'ici là.

Mes lèvres se tordent en une moue de dépit, tandis que mes yeux observent ma cheville aux multiples couleurs.

— Je ne manquerai pas de t'applaudir, même si tu fais quelques fausses notes.

Je lève les yeux au ciel en pouffant avant d'annoncer d'un ton faussement hautain :

— Sérieux, mamie, je croyais que ton estime pour la grande Calliope Bellini était bien plus élevée !

— Je suis sûre que tu seras parfaite, comme toujours.

Un sourire sincère fleurit sur mes lèvres.

Parfois, je me demande comment cette femme a pu élever ma mère. Elles ne se ressemblent en rien. À vrai dire, elles sont même diamétralement opposées l'une de l'autre. Ma mère est froide et dure, quand ma grand-mère, elle, est douce et affectueuse.

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