Chapitre 24 : Battre le fer

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Calliope

Le regard perdu dans le vide, mon esprit paralysé par les événements de la veille, je déambule tel un zombie dans les couloirs du lycée. Je ne réponds pas aux appels de Josh ni à ceux d'Ashley. Je n'ai envie de parler à personne, pas même à mon meilleur ami.

Avant toute chose, je me dirige vers les casiers pour attraper mes livres pour le prochain cours. En passant devant celui de Newton, je glisse la feuille de notre exercice en binôme, puis reprends ma route en direction de la salle de classe.

Mes pensées sont tourmentées par les traumatismes qui m'ont empêchée de fermer l'œil de la nuit. Je me rappelle encore la brûlure de ma joue après les gifles de mon père, des frissons lorsque son regard sinistre s'est abattu sur moi telles des lames aiguisées, du regard méprisant de ma mère, de cette impression de parler à un mur. Mais ce dont je me souviens surtout, c'est le froid glacial qui s'est emparé de mon cœur et la chair de poule lorsque la gynécologue m'a fait ce toucher vaginal.

J'ai fini par comprendre que mon père fait partie de ces types prêts à faire de mauvaises choses au nom de la religion. Il utilise Dieu comme protection pour ses péchés. Mon géniteur est un malade mental qui a plus peur que sa fille perde sa virginité plutôt qu'elle ne le déteste jusqu'à la fin de ses jours.

Je ne saurais décrire dans quel état je me suis sentie lorsque j'ai entendu la vieille gynécologue annoncer fièrement à mon père que mon hymen était toujours bien en place et que, de ce fait, aucun examen supplémentaire ne serait nécessaire. Je n'ai pas été soulagée ni même ravie d'avoir eu cette satisfaction de prouver à mon père qu'il avait eu tort. Non, j'étais simplement vide.

Je croise le regard souriant de Billy dans les couloirs, mais je détourne les yeux, ne souhaitant pas qu'il subisse les foudres qui s'amoncellent dans tout mon être. Je suis une bombe à retardement, prête à exploser à la moindre étincelle. Les dégâts seront importants, au moins aussi importants que le trou béant qui s'est emparé de mon cœur. Parce que c'est comme ça que je me calme, c'est comme ça que j'ai appris à gérer mes émotions. La douleur physique ne me fait pas peur, tant qu'elle parvient à calmer celle qui s'est engouffrée à l'intérieur.

Au croisement entre deux couloirs, un type me bouscule. J'entends des rires, mais je force mon esprit à se concentrer sur autre chose, tandis qu'un feu jaillit de mes entrailles. Tous ces enfoirés se croient malins à me faire chier, mais ils n'ont même pas idée de toute la folie qui bouillonne dans mon crâne. Celui qui se trouvera sur ma route le regrettera forcément.

Des regards se posent sur moi à mon passage, des sourires diaboliques se dessinent, comme si la plupart d'entre eux étaient au courant. Je me sens couverte de honte, enragée et envahie par la haine. Toutes ces émotions crépitent ardemment dans mes veines et s'intensifient à chaque Faucon que je croise. Je suis convaincue que l'un d'eux est à l'origine de cette stupide blague qui a fait vriller mon père.

Je passe une main dans mes boucles blondes et soupire, essayant de calmer mes nerfs qui s'entortillent sous ma peau.

Sur le trajet, je croise Maverick et son groupe de moutons qui m'observent. Le capitaine m'adresse un sourire qui me révulse, l'envie de le lui arracher du visage s'incruste dans mon crâne. Je passe à côté d'eux au pas de course, les épaules voûtées par la fatigue et le regard droit devant.

— Bellini !

Même à travers le brouhaha de la foule, cette voix exécrable me fige. Je ferme les yeux et agrippe férocement les lanières de mon sac à dos comme si je me raccrochais à une bouée de sauvetage qui m'empêchait de ne pas sombrer.

Face à faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant