Face à face

Chapitre 29 : Stalker

Calliope

Une lumière vive me tire de mon sommeil profond. Je papillonne des paupières, le regard perdu devant moi et les sourcils froncés. Quelques événements me reviennent en mémoire. Je me redresse brusquement et pivote la tête dans tous les sens à la recherche de Newton. Je suis enveloppée par l'épaisse couette qui m'a tenue chaud toute la nuit, mais je suis seule dans cette pièce. Les derniers souvenirs que j'ai de la veille sont flous. Je me rappelle être restée un long moment dans les bras de Newton. J'ai dû tomber de fatigue après ça. Je plonge mon visage au creux de mes paumes et soupire en ramenant mes genoux contre ma poitrine. Notre discussion me revient en tête, la honte embrase mes pommettes et me provoque une grimace. Même sans être totalement bourrée, je parviens à agir de manière gênante. 

Note à moi-même pour les prochaines soirées : pas touche aux brownies !

Ashley : Tu avais raison pour Cole, il était en train de se taper une fille d'une autre classe. J'ai demandé à Billy de me ramener.

Le deuxième SMS qu'elle m'a envoyé quelques minutes après me comprime la poitrine violemment :

Ashley : Billy m'a dit que tu avais passé la soirée avec Maverick. Arrête de faire espérer mon frère si tu as prévu de t'amuser avec le mec que tu détestes « soi-disant ».

Même à travers de simples messages, je peux ressentir la froideur du ton qu'elle emploie. Elle fait erreur sur toute la ligne, je n'ai jamais voulu faire espérer qui que ce soit, ni même m'amuser avec quelqu'un. Je suis terrassée qu'elle me voie comme ce genre de fille, qu'elle me pense capable d'être à ce point manipulatrice. Je ne crois pas avoir fait « espérer » Billy, j'ai réellement tenté de me rapprocher de lui. Peut-être que j'aurais dû être honnête depuis longtemps, mais la vérité est que j'étais plongée dans un puissant déni et que je ne parvenais pas moi-même à expliquer ce que je ressentais. Une pointe m'assène le cœur douloureusement, tandis que je relis plusieurs fois ce message qui me blesse. J'imagine qu'elle doit se sentir mal après ce qu'elle a vécu, mais je lui en veux de s'en prendre à moi, alors que je n'y suis pour rien.

Pour une fois, je décide de ne pas réagir sous le coup de l'émotion. Je balance mon téléphone dans mon sac et quitte ma chambre d'un pas abattu pour retrouver ma grand-mère dans le salon. Elle arbore un sourire pétillant de si bon matin, comme toujours, tandis que j'ai l'impression d'être vide à l'intérieur. En dix secondes, ma joie accumulée la veille s'est étiolée et cela me rend morose.

— Bonjour, dis-je faiblement.

Mamie met ses poings sur les hanches en m'observant, tandis que je me laisse tomber dans un fauteuil.

— Tu as passé une mauvaise soirée ?

Je hausse les épaules.

— La soirée en elle-même était... passable.

— Alors qu'est-ce qui te fait ronchonner dès le réveil ?

— Mon amie m'en veut pour quelque chose que je ne peux pas contrôler, soufflé-je.

Elle élude mes craintes d'un geste de la main.

— Ça lui passera, dit-elle en attrapant une bonbonnière sur un buffet.

Elle me tend un biscuit, suivi d'un « mange ça », comme si ses gâteaux permettaient de combler les fissures de mon cœur. Même si j'ai peu d'espoir, j'abdique et fourre l'un de ses délicieux biscuits dans ma bouche. Je mâchouille lentement, mon regard perdu dans le vide et mes membres mollassons en laissant le goût réconfortant de la fleur d'oranger s'emparer de mes mauvaises pensées.