Chapitre 36 : Pris sur le fait

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Newton

Mes muscles sont engourdis, mon corps est parcouru par de violentes bouffées de chaleur à cause de Calliope dont la fièvre s'est légèrement dissipée.

Je me suis laissé bercer par les battements de son cœur, au départ rapides, puis agréablement calmes une fois qu'elle s'est endormie. Cette mélodie m'a emporté, si bien que j'ai fermé les yeux durant deux bonnes heures. Je n'ai pas desserré mon étreinte, je ne le veux pas. Même si j'ai chaud et que je ne sens plus mes bras, je pourrais rester auprès d'elle encore des heures.

L'odeur de Calliope m'enveloppe, elle m'envahit et pénètre divinement mes sinus. Je plonge mon nez dans ses boucles blondes, espérant y trouver un peu plus de cette fragrance sucrée dont je ne parviens plus à me défaire.

Les dernières traces de sommeil s'évanouissent tandis que je papillonne des paupières. La première chose que je vois, c'est la chevelure de Calliope, emmêlée par les frottements sur l'oreiller et nappée de sueur par endroits. La deuxième chose que je vois – et qui me rend perplexe – c'est une vieille qui est en train de m'observer depuis le seuil de la porte. Je cligne des yeux et redresse lentement la tête en fronçant des sourcils.

Je ne pense pas être plongé dans un rêve et je ne suis pas défoncé, pourtant, il y a bien une grand-mère au visage souriant qui est en train de me mater.

Instinctivement, j'adresse un coup d'œil à Calliope. Elle est toujours paisiblement endormie et ne semble pas près de se réveiller. Lorsque je porte mon regard sur la mamie une nouvelle fois, je l'aperçois m'interpeller d'un geste du doigt.

Je ne m'inquiète pas d'être surpris dans le lit de ma voisine, ce qui m'inquiète, c'est que cela lui porte préjudice à elle. J'ai bien vu comment sa mère l'a giflée l'autre fois ; et il y a aussi eu l'histoire de ce préservatif. Ses parents ont l'air d'être de raides conservateurs qui lui imposent leurs volontés. J'espère qu'elle ne sera pas punie à cause de mon incapacité à me tenir éloigné d'elle.

Je déglutis et retire la couche de couettes délicatement en prenant autant de temps que nécessaire pour ne pas la réveiller. Mon regard perdu sur son visage endormi, je rabats la couverture jusque sous son menton et écarte une mèche de ses cheveux. Je l'examine en silence durant quelques longues secondes, souhaitant m'assurer que sa maladie n'est pas plus grave qu'elle ne le laisse entendre. Ma mâchoire se contracte machinalement face à sa peau blême et ses pommettes rouge vif. Je déteste la voir ainsi. Des souvenirs douloureux de ma mère malade refont surface, je me masse le front pour tenter de les chasser.

Je n'ai même pas remarqué que la mamie avait disparu tant j'étais perdu dans les traits de la belle endormie. J'aurais pu penser l'avoir rêvée si je ne percevais pas un faible bruit au rez-de-chaussée.

Mon attention bifurque sur la fenêtre de la chambre. Je pourrais m'échapper et ne pas affronter cette femme inconnue, mais je dois plaider en la cause de Calliope.

J'admire une ultime fois le visage détendu de Calliope, puis quitte sa chambre en refermant la porte derrière moi.

Je descends mollement les escaliers, les mains dans les poches de mon sweat et mes pas faisant grincer le bois. Mon regard se pose sur chaque coin du rez-de-chaussée pour inspecter les lieux que je n'ai jamais eu l'occasion de visiter. La mamie aux cheveux bouclés et gris se tient dans la cuisine, elle est en train de fouiller les placards.

— Tu as faim ? demande-t-elle.

Je ne réponds pas, trop préoccupé à froncer les sourcils en étudiant cette femme à la voix affable.

Elle se retourne vers moi, sans jamais quitter son sourire.

— Excuse-moi, rigole-t-elle, je ne me suis même pas présentée. Je suis Elisabeth, la grand-mère de Calliope. Et tu es...

Face à faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant