Chapitre 49 : Questionnement

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Calliope

Toute pimpante et fin prête à affronter cette nouvelle journée, je dévale les escaliers à toute vitesse, le sourire aux lèvres et le cœur aussi léger qu'une plume.

— Je prends le bus ce matin, dis-je à mon père.

Sans prendre le temps d'accueillir ses salutations ou le moindre signe de politesse, j'ouvre le frigo à la recherche d'une briquette de jus. Ma mère a déjà quitté la maison depuis plus d'une heure et mon père enfile sa veste pour partir à son tour. Dans mon dos, je le sens m'épingler de son œillade insistante, ce qui me fait rouler des yeux intérieurement.

— Tu détestes prendre le bus.

Je serre les dents et pivote sur moi-même pour lui faire face.

— Parce que tu t'intéresses à ce que j'aime ?

La mâchoire de sir Bellini se comprime et ses prunelles sombres se couvrent d'une lueur lugubre. Je croise les bras sous ma poitrine et ne détourne pas le regard une seule seconde. Même s'il est carrément flippant, rien ni personne ne pourra me rendre malheureuse aujourd'hui. Tant que Newton sera près de moi, plus rien ne pourra me briser le cœur, pas même mon père qui semble à deux doigts de m'étriper.

— Calliope, ne parle pas de choses que tu ignores.

Je pouffe d'un rire nasal empreint de mépris pour cet homme qui n'aurait jamais dû m'inspirer de tels sentiments.

— Écoute, Andrea, nous savons tous les deux que toi et ta femme, vous me détestez. Il est inutile de faire semblant d'être une parfaite petite famille aimante, c'est ridicule. J'ai bien compris, vous voulez me pourrir la vie. Je n'ai pas d'autre choix que de subir. Mais sache que dès que je le peux, je me barre d'ici et vous ne me verrez plus jamais.

J'enchaîne avec quelques foulées pour remonter à l'étage. Lorsque je passe près de lui, il m'agrippe le bras fermement et me stoppe dans ma lancée. Mes yeux s'ancrent aux siens et lui balancent toute la haine que j'ai pour lui et sa femme.

— Un jour, tu me remercieras.

Je secoue la tête, la mâchoire comprimée et une aiguille m'écorchant la poitrine.

— Te remercier ? Jamais je ne te remercierai d'avoir été un père horrible.

— Méfie-toi, Calliope. Tu crois que je suis une personne horrible, très bien. Mais sache que là dehors, certains ne souhaitent qu'une seule chose : t'affaiblir pour t'écraser.

Mes sourcils se froncent face à ses mots dénués de logique et son regard étrangement... doux.

— Tu m'as appris à me méfier des gens, à être suffisamment forte pour ne pas les laisser m'atteindre. Mais tu aurais dû me dire que les pires sont ceux qui vivent tout près. Tu aurais dû m'apprendre à me méfier des personnes censées m'aimer et m'apporter du réconfort.

— Les personnes que tu aimes sont celles qui peuvent te faire souffrir le plus. Aimer quelqu'un, ce n'est pas anodin, Calliope. Tu ne dois pas te méfier des personnes qui t'aiment, tu dois te méfier de celles que toi tu aimes.

D'un geste brusque, je retire mon bras et opère un pas en arrière pour m'éloigner de lui. Malgré la conversation houleuse que nous échangeons, il ne paraît pas en colère, ce qui me prouve encore une fois qu'il doit avoir une pierre à la place de son cœur.

— Peut-être que c'est vrai. Mais alors, si deux personnes s'aiment, qui doit se méfier de qui ? L'amour n'est pas tout le temps à sens unique, papa, ça, c'est une invention des Bellini.

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