Face à face

Chapitre 39 : Un grain de sable dans la poitrine

Calliope

La lueur brillante du soleil est à l'origine de mon réveil. Je me redresse dans mon lit en bâillant, puis me frotte les yeux qui peinent à s'habituer à la forte lumière.

Mon ordinateur posé près de moi me rappelle aussitôt les événements de la veille qui font fleurir un immense sourire sur mes lèvres et une flamme au creux de mes tripes. D'une caresse sur le bord du matelas, je remarque que Newton est déjà parti depuis plusieurs heures. Il a laissé une fraîcheur désagréable sur les draps, bien moins plaisante que la chaleur de ses bras.

Je bondis sur mes jambes qui ont retrouvé leur vivacité après tout ce temps passé à me remettre de ma maladie. À grandes enjambées pressées, je m'approche de ma fenêtre qui est verrouillée. On dirait bien que Newton a finalement compris qu'il pouvait sortir par la porte d'entrée. D'une œillade insistante, j'observe la maison d'en face et grimace en apercevant le SUV sombre garé dans l'allée. Il me semblait avoir entendu que monsieur Adams ne devait pas rentrer avant la semaine prochaine...

Repérer la moto de Newton me laisse d'autant plus perplexe.

Je me retourne pour jeter un coup d'œil à mon réveil, mes sourcils se froncent alors que je comprends qu'il a encore séché les cours. Ça lui arrive souvent, surtout lorsque son père est présent. J'ai déjà pu voir les violences qu'il lui inflige, j'espère qu'il ne lui a pas fait de mal cette fois-ci...

Mes traits froissés par une grimace, je détourne le regard et attrape ma lampe torche. Les volets de la chambre de Newton ne sont pas fermés, j'espère pouvoir l'interpeller comme l'autre soir. J'ouvre ma fenêtre et actionne l'interrupteur à plusieurs reprises, la lumière se reflétant dans la vitre d'en face d'une faible puissance à cause du soleil. Malgré plusieurs tentatives, je ne parviens pas à attirer mon voisin. Je souffle de frustration et réfléchis à mes options, ma lèvre inférieure bloquée entre mes dents.

Il est possible que Newton ait pris le bus ce matin, ce qui expliquerait qu'il ne se pointe pas à sa fenêtre. Peut-être encore n'est-il pas dans sa chambre. Si j'avais son numéro de téléphone, ce serait bien plus simple...

Je dégaine mon smartphone et envoie un SMS à Josh, lui demandant si Newton est en cours aujourd'hui. Sa réponse est, comme toujours, très rapide.

Josh : Non. Tu es totalement accro, toi !

Je roule des yeux en secouant la tête et occulte sa remarque en le remerciant seulement. J'ajoute quelques émojis qui imitent parfaitement mon faciès lorsque je suis blasée.

Si Newton n'est pas au lycée, cela ne me laisse plus beaucoup d'options.

Les poings sur les hanches, je fais volte-face et laisse mon regard naviguer à travers la pièce. Une idée soudaine illumine mon cerveau. Je dois faire la deuxième séance de tutorat cette semaine, cela me donne une bonne excuse pour rappliquer devant la maison d'en face.

J'enfile des fringues au hasard et attrape mon sac à dos.

Un dernier regard à travers ma fenêtre me fait déglutir. Si Baron Adams est celui qui me reçoit, je crois que je pourrais me faire dessus tant il est effrayant. Je pèse le pour et le contre quelques instants, me demandant si l'envie de revoir Newton est plus forte que l'horreur de devoir faire face à son père. Je n'ai pas besoin de réfléchir longtemps pour me dire que oui, elle l'est. Je serais capable de braver les interdits et d'affronter le regard flippant de son père pour m'aviser de son état. Néanmoins, il me faut tout de même quelques secondes pour calmer ma respiration et essuyer mes paumes moites sur mon jean.

Je suis anxieuse à l'idée de devoir frapper à la porte d'entrée. Premièrement, même si j'ai envie de voir Newton, me retrouver avec lui est toujours une source de stress. Deuxièmement, l'aura de son père est presque plus impressionnante que celle du mien. Elle l'est, c'est certain.