Face à face

Chapitre 40 : Flammes ravageuses

Calliope

Mes paupières papillonnent et s'ouvrent sur ma chambre plongée dans une semi-obscurité. Un ronflement très léger me fait tourner la tête sur le côté. Dos à moi, Josh est emmitouflé dans la couette et dort à poings fermés. En temps normal, un sourire débile se serait épanoui sur mes lèvres, mais aujourd'hui, les souvenirs de la veille m'en empêchent.

Je me redresse et plaque mes paumes fraîches sur mes tempes lancinantes. Mes yeux se plissent et mes dents se serrent face à la douleur qui pulse vivement dans mon crâne. En plus de l'alcool dont j'ai vraisemblablement abusé, les émotions fortes vécues hier n'ont pas été bénéfiques pour mon état.

Mes pieds foulent le parquet gelé. Je me lève et patiente quelques secondes, le souffle court, tentant d'avoir la mainmise sur mon corps chancelant. Mon estomac se tord dans tous les sens, une épaisse rafale de remontées gastriques froisse mes traits.

Au rez-de-chaussée, un faible bruit me tétanise. Mon cœur cesse tout battement et ma respiration se coupe. Je sais que ce ne sont pas mes parents, parce qu'en plus d'être toujours au Canada, je suis convaincue que s'ils m'avaient trouvée dans le même lit que Joshua, j'aurais enduré leur courroux avant même d'avoir pu émerger. Quoi qu'il en soit, je ne me rappelle pas être rentrée avec quelqu'un d'autre que mon meilleur ami hier soir, et malheureusement, tous les souvenirs de la veille sont intacts dans ma mémoire. Tous, sans exception.

Je quitte ma chambre à pas feutrés, poussant délicatement la porte restée entrouverte. Lorsque je descends les escaliers, je grimace en entendant le craquement du bois résonner à travers l'espace. Quelques pas supplémentaires me permettent d'être soulagée, mamie Elisabeth apparaît dans mon champ de vision.

— J'en connais une qui a passé une bonne soirée, s'exclame mamie, les mains sur les hanches, un soupçon de malice dans la voix.

Je tente de ne pas paraître pour une loque face à elle et use de toute la force qui me reste pour feindre une parfaite maîtrise de mon corps tremblant de souffrance.

— Salut, mamie. Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je suis venue m'assurer que ma petite fille prenait bien soin d'elle. J'ai l'impression d'avoir eu raison de passer.

On pourrait croire qu'elle adopte un ton lourd de reproches, pourtant, son sourire ne la quitte pas. Je me résigne et m'affale mollement sur une chaise près d'elle. Il est inutile que je fasse semblant avec mamie Elisabeth – dit la voyante de San Francisco –, elle peut lire en moi comme dans un livre ouvert.

— En tout cas, tu as tort. Je n'ai pas passé une bonne soirée, soupiré-je.

Les coudes sur la table, je laisse ma tête retomber dans mes paumes et glisse mes doigts dans mes boucles emmêlées. Derrière moi, mamie ne fait pas de commentaire quant à ma pathétique attitude. Elle se contente de remuer des placards et de préparer je-ne-sais-quoi.

— Tiens, bois ça.

Je relève la tête et grimace en voyant le verre rempli d'une boisson étrange qu'elle me tend. Je l'attrape, la porte à mon nez et réprime un haut-le-cœur face à l'odeur immonde qui s'en dégage.

— Qu'est-ce que c'est ? l'interrogé-je en faisant tournoyer le liquide verdâtre.

— Recette de grand-mère. Ça m'a sauvé des dizaines de fois après une gueule de bois.

J'écarquille les yeux et lui adresse un regard faussement outré.

— Je n'ai pas...

— Bois.