Chapitre 33 : Pile ou face

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Calliope

Ce matin est différent des précédents. Ce matin, devant mon miroir, je me prépare avec le sourire, la boule au ventre à l'idée de retrouver Newton.

Est-ce que j'ai passé mes vacances à zieuter à travers ma fenêtre pour espérer le voir ? Oui. Est-ce que j'y ai vu quoi que ce soit ? Non. On ne s'est pas reparlé depuis les quelques mots échangés le dernier jour de classe, juste après ce baiser dont le souvenir me brûle encore les lèvres.

Je serre ma queue-de-cheval, applique une touche du gloss à la fraise que j'adore et balance mon sac de sport sur l'épaule. Un ultime coup d'œil par ma fenêtre me fait grimacer. La famille de Newton ne semble pas rentrée de ses vacances, ce qui commence à m'inquiéter sur la possibilité que je ne le revoie pas aujourd'hui. Je sais qu'il va me détester pour ça, mais j'ai préparé une liste de questions pour nos retrouvailles – littéralement. Dans un carnet que je garde secrètement à l'abri de mes parents, j'ai consigné toutes les interrogations qui me trottent dans la tête depuis si longtemps. Je pourrais écrire un roman tant mon cerveau est assailli par le doute.

Ma mère me hèle depuis le rez-de-chaussée. Je jette un coup d'œil à mon réveil, il est déjà l'heure pour moi de partir. Je ravale le nœud qui m'obstrue la gorge et essuie une dernière fois mes paumes moites sur mon jogging avant de descendre.

Mes interactions sociales durant ces congés d'hiver se sont résumées à quelque chose proche du néant. C'est tout juste si j'ai croisé mes parents à qui je ne souhaite plus adresser la parole hormis par simple politesse. J'ai passé le plus clair de mon temps chez mamie Elisabeth ou avec Joshua et sa famille bien plus accueillante que la mienne. Même le jour de Noël a été un véritable fiasco. Mes parents ont insisté pour que je le fête avec eux. Finalement, nous avons dîné dans un calme mortuaire avant que chacun de nous ne reparte de son côté. Le moment le plus distrayant a été le bénédicité prononcé par mon père, c'est dire à quel point le repas a été mouvementé...

Je croise ma mère qui m'attend déjà devant la porte, son tailleur cintré près du corps et sa sacoche d'ordinateur sur l'épaule. Il est rare que ce soit elle qui m'accompagne au lycée, mais ce matin, je dois y être plus tôt pour le départ de notre deuxième voyage scolaire de l'année. Deuxième bonne nouvelle du jour : je vais passer toute une semaine à Portland, loin de chez moi, loin de mes parents.

En pénétrant dans la voiture de ma mère, je dégaine mon téléphone qui vient de vibrer dans ma poche.

Josh : Je te garde une place dans le bus.

Je souris et pianote une réponse rapide à base d'émojis en tout genre.

— Tu as pris tout ce qu'il te fallait ? demande ma mère, comme si cela l'intéressait réellement.

— Hm, hm, réponds-je, le nez rivé sur mon appareil.

Elle démarre, son regard fixé droit devant elle.

— Ton père et moi partons jusqu'à lundi chez Gladys.

— OK.

Je ne vois pas ce qui pousserait mes parents à aller chez la cousine de ma mère qui vit au Canada et qu'elle n'a pas revue depuis près de vingt ans, mais je me moque de la raison. Je me fiche de les savoir à des milliers de kilomètres de San Francisco, et puis, quand bien même cela m'intéresserait, je ne serai pas là moi non plus.

— J'ai demandé à mamie de venir te récupérer au lycée vendredi, elle m'a dit que tu pouvais rester dormir chez elle ce week-end.

Je soupire un « OK », sans rien ajouter de plus. Que pourrais-je ajouter hormis un « Oui, mère » ou bien un « À vos ordres, cheffe » qui ne feraient que l'énerver et certainement me valoir une gifle ?

Face à faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant