Face à face

Chapitre 23 : Traumatisme

Calliope

Comme tous les matins depuis plusieurs jours, mon réveil sonne, je me lève et pars ouvrir mes volets. Je reste quelques instants à observer la maison d'en face, espérant y trouver quelque chose, une réponse à mes tourments. Et comme chaque matin, je ne vois rien.

Les volets de la chambre d'en face sont fermés, aucune lumière n'est visible, pas même une once de vitalité à l'intérieur de cette baraque. La moto de Newton n'est plus dans l'allée, je suppose qu'il l'a rentrée dans le garage à cause du mauvais temps. En revanche, cela fait déjà plusieurs jours que le SUV de son père n'a pas bougé.

Je soupire, puis abandonne mon poste de surveillance pour me préparer à la journée à venir.

Lorsque j'enfile mon débardeur, je râle de voir les mailles fortement étirées à l'avant. Je me frotte le visage et dégaine mon téléphone pour envoyer un SMS à Josh.

De Calliope : Séance shopping ce soir ?

Comme si son portable était greffé à sa main, il me répond en moins de dix secondes. À en juger par la tonne d'émojis qu'il m'envoie, j'imagine que ça doit le ravir bien plus qu'à moi. J'en profite pour proposer la même chose à Ashley, souhaitant passer un peu de temps avec mes deux amis en dehors des cours. Tout comme Josh, elle accepte en m'indiquant qu'elle voulait justement faire un tour dans le tout nouveau magasin qui vient d'ouvrir ses portes au centre commercial. Je pouffe en souriant. J'imagine bien le genre de magasin dont il s'agit...

J'enfile le reste de ma tenue et me plante devant le miroir. Comme une vieille habitude à présent, j'ajoute une touche de gloss à mes lèvres. Enfin, je passe les mains dans mes boucles blondes pour les remettre en place.

— Calliope ! Tu es bientôt prête ?

Sans même s'annoncer, mon père débarque dans ma chambre, déjà fin prêt pour sa journée de travail. Sérieux, il ne connaît pas l'intimité ?! Je refoule ma très forte envie de lever les yeux au ciel et me contente de confirmer d'un hochement de tête avant de quitter la pièce, mon sac sur le dos.

Comme souvent, ma mère est déjà partie. Elle est très investie dans la vie de la société dans laquelle elle travaille, bien plus que dans sa vie de famille... C'est assez drôle de voir comment elle se comporte à l'extérieur contrairement à l'intérieur même de notre foyer. Dehors, elle paraît souriante, une bonne épouse, une bonne mère, et surtout une excellente femme d'affaires. Dès qu'elle franchit le seuil de la maison, c'est une tout autre personne. Mon père, lui, n'est jamais souriant, même à l'église, d'ailleurs, c'est rare de le voir exprimer la moindre émotion. Moi au moins, que ce soit dedans ou dehors, je suis toujours la même : la folle et colérique Calliope.

Notre famille est un bordel sans nom. D'ailleurs, je ne suis même pas sûre qu'on puisse appeler cela une famille. On dirait plutôt trois personnes qui vivent sous le même toit par dépit et qui ne s'adressent presque pas la parole.

Je peux au moins m'estimer heureuse, hormis la dernière gifle de ma mère, ça fait longtemps que je ne me suis pas disputée avec l'un d'eux, et en même temps, j'évite un maximum le contact et surtout les sujets qui fâchent. J'en avais marre d'essuyer les gifles de mon père et le mépris de ma mère. J'ai fini par devenir comme ils le voulaient : une fille obéissante qui ne l'ouvre jamais. Finalement, Newton n'est pas le seul à vouloir me discipliner...

Après avoir glissé mon petit-déjeuner dans mon sac, je quitte la maison, talonnée par mon père qui referme derrière nous. Un bâillement m'échappe, les derniers événements m'ont épuisée et j'ai hâte que la semaine soit terminée pour passer mon week-end au lit.