Chapitre 10 : Derrick ?

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Newton

La soirée bat déjà son plein lorsque je débarque, pied à terre, en stationnant ma bécane. Une clope coincée entre mes lèvres, je m'approche de l'entrée de cette immense baraque où une foule bruyante campe. D'ici, une musique sourde résonne faiblement, étouffée par les murs épais de la villa de ce gosse de riches.

Mave m'a parlé d'un certain Derreck – ou peut-être Derrick, je m'en balance – comme le type dont il ne faut pas manquer les soirées. Il s'agit d'un ancien de Crestwood High qui est entré à l'université à la rentrée. Je me fous bien de savoir qui est l'hôte, tant qu'il y a à boire et des nanas prêtes à me faire passer une bonne soirée qui me fera oublier mes pensées assommantes. Quelques paires d'yeux se portent sur moi, tandis que je me faufile entre les corps déjà bouillonnants à l'extérieur. Je déteste ces enfoirés qui me toisent curieusement.

À peine la porte d'entrée franchie, je me raidis face à une conne qui manque de me bousculer en courant à travers la pièce, à moitié défoncée et surtout, presque à poil. Je réprime une forte envie de lever les yeux au ciel face à toutes ces meufs débiles qui ne montrent aucun respect pour elle-même. Le même genre de meuf que je me tape, mais qui ne représente rien pour moi.

L'entrée donne sur un immense salon où une fine fumée flotte dans les airs. Mes oreilles sont assaillies par la musique électro dont les basses résonnent dans ma poitrine, et mes narines frétillent à l'odeur d'herbe qui se dégage.

Un léger rictus vient étirer mes lèvres. Il n'y a pas à dire, ce mec sait organiser des soirées.

D'un côté, une table où se déroule une intense partie de beer-pong. À l'opposé, une dizaine de fûts de bière où s'agglutinent des types qui discutent ou gueulent, selon leur niveau d'alcoolémie. Au centre, trois gigantesques canapés où sont assis les moins téméraires, ceux qui préfèrent passer leur soirée à se défoncer. Enfin, un vaste espace a été dégagé. Éclairée par des stroboscopes clignotants, une piste de danse éphémère accueille des corps qui se frottent les uns contre les autres au rythme de la musique tonitruante. J'aperçois également des lycéens préférant profiter de l'air extérieur, de la piscine ou encore du jacuzzi. Tout le nécessaire pour passer une bonne soirée.

Toutes proches de moi, deux meufs totalement bourrées sont en train de se rouler la galoche du siècle. Je suis à deux doigts de m'incruster à leur petite fête lorsque j'entends quelqu'un m'héler au loin, malgré la forte musique qui me vrille les tympans.

Mave est assis, entouré par des personnes que j'ai déjà croisées au lycée, enveloppé par une épaisse fumée blanche. Il me fait signe de la main pour que je le rejoigne.

— Bordel, j'ai cru que tu n'allais jamais arriver, dit-il d'une voix peu maîtrisée en cognant son poing contre le mien.

— T'es déjà défoncé ?

Il hausse les épaules, un sourire niais sur les lèvres. J'ai ma réponse.

J'écrase mon mégot dans un cendrier et m'enfonce dans le canapé entre lui et Amy, une meuf que j'ai tirée à l'arrière d'une caisse. Elle m'adresse un regard de braise en se mordillant la lèvre inférieure. Pour ma part, je me contente de l'ignorer pour le moment et de reporter mon regard sur l'entrée de la villa qui laisse passer des fêtards au compte-gouttes.

— T'as entendu le dernier exploit de Shirley ? glousse Mave.

Je pivote mon visage vers lui, un sourcil haussé. La dernière fois que j'ai vu cette conne, elle se faisait défoncer la gueule par la tarée de service.

— J'ai entendu dire qu'elle s'est pété le nez.

Un soufflement nasal m'échappe. On dirait que ses potes ont eu si peur de Bellini qu'elles n'ont pas osé la balancer ou bien que Shirley a eu si honte qu'elle a préféré arranger la vérité.

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