Newton
Je suis à deux doigts de chialer en enfilant mon sweat. Les analgésiques de Calliope me permettent de ne pas m'évanouir à cause de la douleur, mais je crois qu'elle a raison, il faudrait que je voie un médecin. Je me rapproche de mon miroir et grimace en retirant les strips qui recouvrent mon visage. En répétant les gestes de ma beauté, je nettoie mes plaies et replace de nouveaux pansements propres.
— Newt ?
La voix faible de ma mère attire mon attention en direction de la porte de ma chambre. Encore une fois, je vais devoir lui mentir, alors que je m'étais promis de ne plus jamais le faire. Pour l'heure, je refuse qu'elle culpabilise.
D'un pas fébrile, je quitte la pièce pour retrouver ma mère dans sa chambre. Comme chaque matin, je tire ses rideaux et ouvre la fenêtre pour renouveler l'air de la pièce. En pivotant vers elle, un léger rictus étire mes lèvres lorsque je l'observe se frotter les yeux en bâillant.
— Mon ange, tu t'es encore battu ? demande-t-elle, ses traits froissés par l'inquiétude.
— Ce n'est rien maman. Tu devrais voir l'autre type, gloussé-je.
Elle croise les bras en fronçant les sourcils. Je sais qu'elle déteste que je me batte. Et même si ce n'est pas la vérité, je préfère qu'elle pense cela plutôt qu'elle apprenne que son mari n'a jamais cessé de me torturer.
Je m'assois au bord de son lit et laisse ses mains frêles capturer mon visage.
— Tu vas finir par avoir des cicatrices.
Si elle savait que les cicatrices internes sont les plus douloureuses à effacer... Les coups de mon père ne sont rien à côté de cette souffrance qui me griffe le cœur. Heureusement que Calliope me permet de garder la tête hors de l'eau.
— Maman, elle m'a dit qu'elle m'aimait, avoué-je subitement, sans parvenir à y croire moi-même.
Ses lèvres fines et sèches s'étirent tandis que ses yeux marron s'animent d'une lueur de joie.
— Je te l'avais bien dit. Une maman a toujours raison. En même temps, qui n'aimerait pas mon bébé ?
Même si cela fait bien longtemps que je ne suis plus le bébé dont elle parle, je ne la contredis pas. J'honore ces moments où ma mère est suffisamment en forme pour me sourire et m'adresser des mots réconfortants. C'est si rare que je profite de chaque instant.
— Il va falloir que j'y aille. J'ai un examen dans deux jours, et Calliope veut m'aider à réviser.
— Cette fille est adorable. S'il te plaît, mon chéri, promets-moi de tout faire pour ne pas la faire souffrir.
— Aucune chance. Je suis fou d'elle, maman.
Elle caresse mon visage tendrement sans délaisser sa gaieté qui illumine les ombres de mon cœur. D'un air pensif, elle quitte mon regard pour planter le sien sur la photo qui occupe sa table de chevet.
— C'est important les promesses, Newton.
Je scrute avec dégoût ce beau cliché de mariage qui semble irréel. Le seul cliché où mon père exhibe un sourire et où ma mère a l'air réellement heureuse. La seule photo exposée dans cette baraque.
— Enfin bon, je suis convaincue que tu prendras bien soin d'elle.
D'un geste vif, elle écarte la couette et extirpe ses jambes menues du lit. Je me redresse et lui tends la main pour l'aider à se lever. La voir chanceler lorsque ses pieds touchent le sol me soulève le cœur. J'ai espoir qu'un jour, j'aurai assez d'argent et de liberté pour payer un médecin qui dévouera son existence entière à trouver le remède qui permettra de lui redonner sa forme d'antan.
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Face à face
RomancePour Calliope, l'enfer rime avec lycée Crestwood High, et cette dernière année va d'autant plus forger sa conviction. Entre des parents absents, son harcèlement constant et une douleur qu'elle cache derrière une apparente froideur, sa vie est un vér...