Chapitre 12 - SIRIUS BLACK

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En fouillant dans quelques placards du véhicule, Sirius avait trouvé un endroit où Rusard avait l'habitude de ranger du matériel de camping : une table et quelques chaises dépliantes en tissu. Il s'en était saisi d'une et, alors que tout le monde allait se coucher, il grimpa sur le toit du camping-car, y déplia sa chaise et s'assit dessus.

La nuit était calme. Hormis quelques grillons qui grésillaient dans le champ et le bruit lointain de quelques voitures qui circulaient sur une quelconque route, la campagne était plongée dans un silence apaisant. Il n'avait qu'à lever la tête pour se croire plongé dans l'espace. Dans le ciel d'un noir d'encre, la bande blanchâtre de la Voie lactée miroitait de lumière au-dessus de lui, avec ses myriades de petites étoiles étincelantes. C'était apaisant, certes. Il aurait même pu se croire en pleines vacances, à profiter avec ses amis d'une liberté post-Poudlard bien méritée. Mais ce calme ne faisait que faire remonter en lui d'horribles images.

Il n'arrivait pas à comprendre comment ils avaient pu passer si vite d'une victoire si exceptionnelle lors du braquage de la Pierre Philosophale à cette horrible catastrophe qu'était la chute de Poudlard. Il revoyait les corps de Gareth et d'Eugénie, le château ravagé par les flammes, ces corps calcinés de Mangemorts qu'il avait lui-même tués, ce moment horrifiant où il avait appris que Fleamont Potter avait été tué par son propre père, le corps de Talkrow qui flottait dans les airs, Regulus, son propre frère, qui avait été du côté des assaillants... Nausicaa ! Elle aussi était devenue une Mangemort et avait contribué au sac de Poudlard...

Même si le jour s'était levé depuis cette nuit fatidique, il avait l'impression qu'elle continuait encore aujourd'hui. Lorsqu'il avait vu cette tête de mort verdâtre flotter au-dessus de la maison de Lily, lorsqu'il avait compris que les parents de son amie étaient morts, il avait encore senti la main glacée de l'horreur se saisir de son cœur.

Un bruit le fit sursauter et il tira aussitôt sa baguette. Mais ce n'était que Jenna qui, empruntant l'échelle à l'arrière du camping-car, venait de grimper sur le toit avec une chaise repliée sous le bras.

Elle s'installa à ses côtés sous le regard perplexe de Sirius.

- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda-t-il. Ce n'est pas encore ton tour de garde.

Jenna haussa les épaules.

- Je n'arrivais pas à dormir, dit-elle, et il fait une chaleur insoutenable dans ce camping-car. Ça te dérange si je te tiens compagnie ?

- Non, pas du tout.

C'était même mieux. Il y avait un temps où Sirius aurait aimé profiter d'un moment de solitude par une nuit d'été comme celle-ci. Mais aujourd'hui, il avait l'impression que rester seul faisait remonter en lui d'horribles souvenirs. La présence de Jenna agirait peut-être comme un repoussoir à idées morbides.

Après quelques secondes de silence, Sirius reprit la parole :

- Pourquoi es-tu ici ?

Il vit Jenna tourner un regard troublé vers lui.

- Je ne comprends pas.

- Eh bien, tu as entendu ce que les Mangemorts ont dit sur RITM, lui expliqua Sirius, James, Remus, Lily et moi, nous sommes devenus des ennemis publics numéro 1. Mais ton nom à toi n'était pas cité. Alors pourquoi nous accompagner ? Tu aurais pu partir avec les Lupin pour Godric's Hollow et retrouver ta mère.

Jenna ne répondit pas tout de suite. Son regard alla se perdre sur la forêt environnante plongée dans un noir quasi-complet.

- Partir pour Godric's Hollow et laisser mon frère et ses amis se débrouiller dans une telle situation ? dit-elle finalement. Tu connais James, il se jette sur le danger comme un moustique est attiré par la lumière. Et puis, vous essayez de sortir Peter d'une situation catastrophique. C'est mon ami, à moi aussi. Je me devais de vous aider à le tirer de là.

Sirius ne put s'empêcher de la regarder avec appréciation.

- Courage et loyauté, commenta-t-il, tu es une vraie Gryffondor.

Mais cela ne fit pas sourire Jenna. Malgré le plaid qu'elle avait passé sur ses épaules pour se protéger de la fraicheur de la nuit, elle eut un frisson.

- Ce n'est pas la seule raison, confessa-t-elle, je sais pertinemment que si j'avais été de retour dans le calme de la maison, je me serais mise à cogiter. J'aurais revu en boucle le cadavre de Gareth... Mon père qui passe par la fenêtre...

Sirius déglutit. Il ne pouvait que la comprendre.

- Ça me fait réaliser, dit-il, qu'on n'a jamais vraiment parlé de tout ça, depuis cette nuit-là. Je suis vraiment désolé pour les morts de Gareth et de ton père.

- Tu n'as pas à l'être. Après tout, toi aussi tu as perdu ton père, à Poudlard.

Sirius s'assombrit aussitôt.

- Orion Black, grommela-t-il en serrant les poings, il vaut mieux mort que vivant, crois-moi. Ça fait longtemps que je ne le considère plus comme mon père.

- Peut-être, dit Jenna, mais quoiqu'il arrive, toi aussi, tu as perdu un père, cette nuit-là. Et je ne parle pas d'Orion Black.

Sirius tourna un regard rond sur Jenna. Parlait-elle de Mr Potter ? Jamais il ne se serait permis de considérer Fleamont Potter comme son père. Et ce même s'il représentait tout ce qu'un père était censé être, selon lui.

Jenna reprit d'un ton plus léger :

- Tu sais, si le monde avait été mieux fait, aujourd'hui, je serais la plus insupportable des femmes.

- Vraiment ? Pourquoi ça ?

- Eh bien, normalement, je devrais être en ce moment-même en train de préparer mon mariage qui aurait dû se faire dans deux semaines.

Sirius bascula sa tête en arrière.

- Le mariage ! J'avais totalement oublié avec tout ce qui s'est passé. Mais pourquoi aurais-tu été la plus insupportable des femmes ? Je ne vois toujours pas le rapport.

Jenna eut un rire.

- Tu ne dois avoir jamais connu de femmes sur le point de se marier, si tu poses une telle question.

- Si, j'en ai connu une. Ma cousine, Narcissa. Elle s'est mariée avec ce crétin de Lucius Malefoy, il y a trois ans.

- Alors tu n'es pas très observateur. Le mariage, ça demande une organisation ahurissante et ça donne un stress assez énorme, d'après ce que j'ai entendu dire. C'est pour ça qu'on dit que les futures mariées sont insupportables, à quelques jours du mariage. Tu ne l'as pas remarqué avec ta cousine ?

- Oh, tu sais, chez Narcissa, être insupportable est un peu une seconde nature, répliqua Sirius.

Ils partagèrent un rire. Puis, Jenna vint poser sa tête contre son épaule. Il ne lui fallut qu'une poignée de minutes pour s'endormir ainsi. 

Les Maraudeurs à la Croisée des chemins - Partie I (tome 8)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant