Éphémère

Chapitre 56 :

Amine :

Je ne sais pas ce qui m'a pris de venir ici en pleine nuit, ni d'appeler Yasmina, complètement perdu. J'ai l'impression de ressembler à mon vieux père, je commence à perdre la tête. Je ne sais pas ce qui me fait ça, la nuit ? Cette journée horrible ? Cette date que j'appréhende depuis plus d'un an ?

Yasmina ?

Un soupir douloureux s'échappe de mes lèvres, j'ai l'impression que mon cœur va quitter ma poitrine tellement celui-ci bat fort. Je cache mon visage dans mes mains, honteux de me montrer aussi vulnérable devant Yasmina. Parce que la première et dernière personne à m'avoir vu comme ça, c'était Zaira.

Toutes mes pensées se dirigent vers elle, elle me manque tellement que c'est douloureux. J'ai beau tout faire pour que personne ne remarque cette souffrance que je garde en moi, elle ressurgit chaque soir quand je suis seul, et elle ressort encore plus puissante ce soir. Je ne peux pas me permettre de me montrer aussi vulnérable devant Sofiane et les gars, ils vont penser que je chute.

Et je ne peux pas chuter, pas devant eux.

Je suis le putain de pilier qui maintient le calme dans notre groupe, c'est moi qui ait relevé tout le monde quand Zaira était dans le coma. C'est moi qui ait tout fait pour guérir Sofiane, c'est moi qui ait réconforté Naila et Rafe, et c'est moi qui ait forcé Enzo a sortir de sa chambre et essayer de lui redonner son sourire et ses rires. J'ai tout fait pour tous les guérir, tous les sauver. Les sauver du monstre qu'est la mort, ce monstre qui a emporté celle que j'aimais, celle que je citais dans mes prières chaque soir, son prénom que je répétais chaque soir en espérant que Dieu m'accorde mon souhait.

Celui de me marier avec elle et de la rendre heureuse.

C'était mon souhait le plus cher, c'était mon rêve.

Et maintenant, mon rêve serait qu'elle revienne, et que je puisse vivre la vie que j'ai tant voulu à ses côtés.

Et aujourd'hui, deux ans après son enterrement, deux après que Dieu m'ait fait réaliser qu'elle était belle et bien partie, je me retrouve à presque minuit dans sa cuisine, avec celle qui lui ressemble. Je ne sais pas ce qui m'a pris de lui avouer qu'aujourd'hui c'était l'anniversaire de son enterrement, mais c'est mon cœur que j'ai écouté, pas mon cerveau. C'est pour cette raison que je ne saurais expliquer ce que je fous ici.

Mes mains entourent toujours mon visage, mes yeux sont fermés, je ne vois plus ce qu'il se passe autour de moi. Mais quand une main tapote délicatement mon épaule, je relève la tête pour affronter le visage qui lui ressemble tant. Elle me regarde avec ses yeux compatissants, comme si elle comprenait la douleur que je ressens, et comme si elle pouvait la guérir.

- Je suis désolée Amine, désolée que Luis t'ait pris celle que tu aimais. s'excuse-t-elle avec sincérité.

Ses excuses sont comme un poignard qu'on enfonce en moi, des excuses, je les ai longtemps attendu, et pourtant, je m'attendais à tout sauf à ce que ce soit elle qui me les donne. Je me redresse difficilement, le poids pesant dans mon cœur est horrible, tout comme le nœud qui s'est formé dans ma gorge, m'empêchant de dire quoique ce soit. Mais avec de l'effort, et une grande inspiration, j'arrive à lui répondre.

- Ce n'est pas à toi de t'excuser, mais à Luis... C'est lui qui nous a enlevé Zaira. constate-je difficilement, ma voix se faisant de plus en plus rauque.