Soleil de mes nuits...

Partie 10.

Au réveil, Fily sentit une douleur sourde dans tout son corps. La lumière du matin pénétrait à peine dans la chambre, et un silence lourd régnait. Elle se redressa lentement, ses mouvements presque automatiques, comme si son corps était encore marqué par la confusion de la nuit précédente. Ses mains étaient froides, et une sensation étrange l'envahit. Tout semblait flou, comme si elle était en train de se réveiller d'un mauvais rêve, mais en même temps, elle savait que ce n'était pas le cas.

Elle se leva avec effort, ses jambes vacillantes, et se dirigea vers la fenêtre. Dehors, la ville semblait paisible, insouciante, contrastant avec ce qu'elle venait de traverser. Elle fixait l'horizon sans vraiment le voir, son esprit encore englué dans la peur et la confusion.

Les souvenirs de la veille revenaient en bouffées, comme des vagues qui la submergeaient. Les paroles de Pape résonnaient dans sa tête, tout comme l'humiliation, la terreur, et cette paralysie qu'elle avait ressentie. Mais il y avait aussi quelque chose d'autre, quelque chose qu'elle n'arrivait pas à identifier tout de suite : une forme de lucidité. Elle avait réussi à résister, même si ce n'était qu'un petit acte de défi. Ce n'était peut-être pas suffisant pour se libérer, mais c'était une victoire, si minime soit-elle. Et cela lui permettait d'entrevoir une autre possibilité, une lueur d'espoir dans cette nuit noire.

Elle se retourna lentement, jetant un coup d'œil à la chambre. Pape n'était pas là, mais il avait laissé un vide. Ce vide, elle le ressentait comme un poids sur sa poitrine. Elle savait que l'emprise sur elle était loin d'être terminée. La situation n'avait pas changé du jour au lendemain, et il faudrait probablement beaucoup plus pour que sa vie prenne un tournant. Mais il y avait aussi une part d'elle qui n'était plus prête à accepter passivement sa condition.

Elle s'habilla sans hâte, se sentant toujours un peu perdue, mais aussi plus consciente d'elle-même. Ses gestes étaient encore hésitants, comme si elle devait se convaincre qu'elle avait le droit de bouger, de vivre. Elle prit quelques minutes pour respirer profondément, calmer son esprit et tenter de se préparer mentalement à ce qui allait venir.

Quand elle descendit, l'atmosphère dans la maison semblait étrange, comme si tout le monde savait que quelque chose avait changé, mais personne ne voulait en parler. Mère Siré la regarda sans un mot, une froideur évidente dans son regard. Codou et les autres belles-sœurs la dévisageaient de loin, comme si elle portait une marque invisible, une distinction de plus en plus difficile à ignorer.

Fily se dirigea vers la cuisine, essayant de se concentrer sur les tâches quotidiennes, comme une forme de routine qui pourrait lui apporter un peu de normalité. Mais elle savait que la paix intérieure serait difficile à trouver dans ce foyer. Elle n'avait aucune certitude sur l'avenir, mais une chose était claire : elle ne voulait plus être la personne qu'elle avait été hier.

Mère Siré n'en pouvant plus de la voir décide de prendre les taureaux par les cornes.

Mère Siré se tenait dans une ruelle sombre, loin des regards, face à une porte en bois décorée de symboles étranges. L'air était lourd, empli d'une humidité presque palpable, et l'atmosphère semblait oppressante. Le quartier était silencieux, comme si même les bruits de la ville avaient évité cet endroit. Elle frappa trois fois, le cœur battant la chamade. Un silence suivit, puis la porte s'ouvrit lentement, dévoilant une silhouette imposante.

L'homme qui se tenait dans l'encadrement de la porte était vieux, ses yeux d'un noir profond scrutant Mère Siré avec une intensité déstabilisante. Il était vêtu d'une longue robe noire, ses cheveux gris mêlés à des perles et des amulettes pendues autour de son cou. Le marabout semblait porter toute la sagesse et la malédiction du monde sur ses épaules.