Partie 12.

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Le poids du rejet

Fily continuait à vivre sous le poids des accusations et du mépris de Pape. Sa grossesse, qu'elle tentait de cacher, était maintenant connue de tous. Elle subissait les regards moqueurs de Codou, les remarques cinglantes de Mère Siré, et l'indifférence glaciale des hommes de la maison. Thierno, bien qu'inquiet, n'osait pas s'opposer à sa mère ou à Pape.

Pape, lui, était devenu plus cruel que jamais. Chaque soir, il trouvait une excuse pour l'insulter, parfois en privé, parfois devant les autres. Une nuit, après un dîner tendu où Fily avait peiné à masquer ses nausées, Pape lui lança :
"Je te vois venir avec ton gros ventre. Tu penses me piéger, hein ? Mais je vais te le dire encore : ce gosse n'est pas de moi. Tu te débrouilleras avec ton bâtard."

Fily, déjà à bout de forces, sentit les larmes monter, mais elle ne dit rien. Elle avait compris que ses mots n'auraient aucun impact. Elle se contenta de baisser les yeux et de terminer son service.

Un matin, alors que Fily s'efforçait de nettoyer la cour, Mère Siré s'approcha d'elle avec son air hautain habituel.
"Yaay wooy, nga xam ne nit yi beugou nioula ngani dangay diour yaw mi niaak diom. Mais je te dis une chose : ce ventre-là, il ne restera pas longtemps ici."

Fily, le chiffon encore dans la main, sentit son estomac se nouer. Elle savait que Mère Siré ne parlait jamais dans le vide. Cette dernière la scruta des pieds à la tête avant d'ajouter en wolof :
"Ku ci nekk dees na fey li mu def. Dangay ñàkk jamm, tey moom, Pape dou mom molay lidient." ("Tout le monde paie ce qu'il a fait. Tu n'auras jamais la paix, et Pape ne te protégera pas.")

Les jours se succédaient, lourds et interminables. Fily n'avait personne à qui parler, personne vers qui se tourner. Codou, mue par une jalousie grandissante, ne ratait aucune occasion pour l'accabler.
"Bimay seuysi fi yangui sa keur nday donn nelaw, sama dieukeur dingaco bayi si ni mba si né. J'ai tout fais pour mon mari, je t'ai accueilli à bras ouverts mais toi, tu détruis tout. Tu es incapable même d'être une vraie femme," lâchait-elle un jour, en voyant Fily assise, essoufflée après une journée de travail.

Malgré tout, Fily continuait de se battre silencieusement, repliant ses douleurs en elle-même. Mais la grossesse, combinée à son mal-être constant, commençait à peser lourdement sur sa santé.

Un soir, alors que Pape rentrait plus tôt que prévu, il trouva Fily seule dans le salon. Elle était assise, les yeux rivés sur le sol, essayant de calmer une douleur lancinante dans son ventre.
"Qu'est-ce que tu fais là, à ne rien faire ?" demanda-t-il sèchement en entrant.

Fily ne répondit pas immédiatement. Pape s'approcha d'elle et répéta sa question, cette fois en haussant la voix.
"Je t'ai posé une question, Fily ! Depuis quand tu te permets de paresser dans MON salon ?"

Fily releva enfin les yeux, ses mains serrant instinctivement son ventre.
"Je ne me sens pas bien," murmura-t-elle faiblement.

Mais ses mots n'atteignirent pas Pape. Il ricana et lança :
"Tu ne te sens pas bien ? Peut-être que c'est ton bâtard qui te dérange. Tu ferais mieux de ne pas le garder, parce que, crois-moi, il ne trouvera jamais sa place ici."

Fily, dévastée, voulut répliquer, mais Pape lui ordonna sèchement :
"Va préparer à manger. C'est tout ce pour quoi tu es bonne."

Elle se leva lentement, ses jambes tremblant sous le poids de son corps et de son humiliation. Dans la cuisine, les larmes coulaient silencieusement sur ses joues tandis qu'elle s'affairait.

Fily était à bout, mais elle n'avait plus la force de crier, ni même de rêver à une issue. Ses pensées devenaient de plus en plus sombres, et elle commençait à se demander combien de temps encore elle pourrait tenir.

Soleil de mes nuits... Où les histoires vivent. Découvrez maintenant