Chapitre 8 - Le suicide

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Une main fragile la secoua activement.

- Mademoiselle ! Mademoiselle !? s'écria-t-elle. Est-ce que ça va ?

Elle ouvrit les yeux. Un visage ridé s'imposa à elle. Une vielle femme marchant avec une canne en bois l'interpellait. Elle se leva lentement tout en regardant autour d'elle. C'était un tas de tombes et de fleurs qu'elle voyait.

- Oui... oui, ça va merci.

- J'ai eu peur que vous ne soyez morte ! dit-elle avec froideur.

La veille femme s'en alla alors que Lucie se remettait lentement de son nouveau bond dans le futur.

Elle pensa amèrement qu'elle était à nouveau retournée dans son cauchemar futurien et que ces allées et venues devenaient de plus en plus atroces. Il semblait même que la nuit était presque tombée. Ce lieu si enchanté s'était subitement transformé en un canton sombre et effrayant. Des frissons d'horreur lui traversèrent le corps et la rongèrent de l'intérieur.

C'est rapidement qu'elle décida de quitter cet endroit subitement maudit.

Le problème, c'est qu'elle n'avait aucune idée d'où aller. La maison qu'elle croyait être la sienne n'était plus qu'un étalage de mépris et de dédain. Il lui était impossible de s'y réfugier.

Toute sa vie et son futur semblaient aussi obscurs que le ciel, aussi noir qu'une nuit sans la lune, aussi accablant qu'un violent impact brisant le dernier de ses espoirs.

Qu'allait-elle devenir ? Cette question la hantait, la hantait jusqu'à la transpercer de l'intérieur. Son sang se vidait, dépouillé de tout désir. Son corps se disloquait par l'épouvante de ne plus connaître le bien-être.


Ces sentiments injustes étaient si lourds à porter qu'elle avait envie de tout abandonner. Comment pouvait-elle continuer à vivre, à se nourrir ? Elle n'aspirait qu'à une seule chose : connaître un havre de paix et de quiétude, vivre dans l'euphorie et la jouissance.

C'est à ce moment précis qu'elle décida qu'il était temps de mettre fin à sa vie.

Plus rien ne valait la peine d'être vécu. Tous les rêves que son imagination avait soigneusement construits n'étaient que cendres qui s'éparpillaient le long du chemin de son existence. Seul le feu pouvait encore donner un sens à sa vie, seule la mort et l'inexistence avaient le pouvoir de lui rendre sa dignité. Il ne lui restait plus rien, rien d'autre que souffrance et humiliation.

A quoi bon continuer de se battre ? La réalité n'était pas celle qu'elle croyait et chaque jour cette réalité pouvait se transformer en un cauchemar invivable. Les dimensions qu'elle avait donné à sa vie ne correspondaient plus à son échelle, la clé qu'elle croyait être le fil conducteur se révélait être un labyrinthe d'interrogations et d'acharnements à trouver une réponse inexistante.

Son univers était noyé dans une pléiade d'énigmes indéchiffrables répondant aux lois antinaturelles de la logique. Il n'y avait plus d'équilibre, plus de routes droites et bien esquissées. Tout n'était que courbes au tracé aléatoire, sans point d'arrêt.

Il fallait pourtant qu'elle quitte le cimetière, elle ne pouvait quand même pas se donner la mort dans un endroit aussi sordide, même si tout compte fait, il était bien approprié.

Après une longue marche pénible et fatigante, elle arriva à l'entrée du cimetière sur la grande route qui donnait accès à l'autoroute. Que pouvait-elle bien faire maintenant ? Elle fouilla ses poches mais aucunes pièces n'en sortirent. Elle pouvait alors oublier la chambre d'hôtel ou même l'appel d'un taxi pour aller se réfugier dans un centre pour sans-abri.

NévroseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant