Chapitre 35 - Héritage

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Elle était assise sur le divan du salon. Son visage était figé. Il dessinait une expression triste et désespérée. Les mots tranchants de Julian l'accusant de l'avoir empoissonné ne s'effaçaient pas de son esprit. Tout était bien clair à présent, chaque souvenir refaisait surface de plus en plus violemment. Chaque bribe d'horreur l'enrobait d'une sensation amère et insupportable. Une vague ensorcelée de lambeaux de voix la tiraillait sans pitié. Chaque baiser, chaque caresse, chaque parole... Tous ses gestes, tous ses pleurs, toute sa détresse... Ils refirent surface en un instant, en une seconde, immortalisant ainsi les événements passés, en torturant sans répit son esprit détruit par la réalité.

Les mains glacées de Didier la firent sursauter. Elle tourna la tête, les yeux déjà noyés par ses larmes abondantes.

- Est-ce que ça va ? demanda-t-il timidement.

- Didier ! s'écria-t-elle dans un élan de désespoir intense.

- Vous vous souvenez de moi, madame Andreotti ?

- Oui ! dit-elle entre deux sanglots. Ma mémoire est revenue ! Je me souviens de tout !

Il se leva, le visage subitement illuminé.

- Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux de vous retrouver complètement ! dit-il, émerveillé.

- Je suis heureuse aussi, répliqua-t-elle en se jetant dans ses bras. Vous avez toujours cru en moi, sans jamais douter de mes mobiles. Vous êtes un réel ami !

- Je sais que vous avez vécu des moments terribles avec Julian. Et bien que je sois toujours resté loyal envers lui, je n'étais pas toujours d'accord avec ses idées.

- Je sais... dit-elle en se libérant de son étreinte.

- Je n'ai jamais approuvé votre adultère, vous le saviez. Mais sincèrement, l'idée même que vous puissiez tuer Julian me semblait impossible. J'ai d'ailleurs tenté à plusieurs reprises de lui faire entendre raison.

- C'était inutile, l'adultère dont j'étais coupable l'aveuglait complètement sur mes mobiles.

Elle s'assit à nouveau sur le divan en poussant un soupir discret.

- Je suis sincèrement désolée, reprit-elle. Je n'aurai jamais dû commettre cette erreur. Mais... je ne sais pas ce qui s'est passé. Tout d'un coup, mes sentiments pour Thibaut sont revenus à la surface sans crier gare. Je n'aurai jamais dû me marier avec Julian. D'ailleurs, au début, je ne le voulais pas !

- Mais il a tellement insisté... s'exclama-t-il nostalgique. Je me souviens qu'il ne vous lâchait pas. Il était littéralement obnubilé par vous. A croire qu'il avait reçu un sort. Sans compter que de votre côté, Charlotte vous poussait dans ses bras...

- Vous avez raison. Mais pourquoi me dites-vous cela ?

- Vous ne vous souvenez pas ? N'avez-vous pas recouvert totalement la mémoire ?

- Je le pensais, oui. Mais...

- Notre conversation, au funérarium, le jour de la mort de Julian. Vous en souvenez-en ?

Elle marqua une pause, fouillant sans relâche dans sa mémoire. Un cercueil ouvert refit surface, le visage pâle de son mari flagella son esprit. Quelques poignées de mains qui marquaient les condoléances, puis, plus rien.

- Non, je ne me souviens pas. Que s'est-il passé ?

- Peut-être que si je vous dis « Viviane Jamboux » votre mémoire se rafraîchira...

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