Chapitre 18 - Liens familiaux

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Viviane Jamboux avait été une femme simple, ne demandant pas grand-chose à la vie. Elle n'avait pas beaucoup d'ambition, elle voulait simplement vivre le grand amour et avoir beaucoup d'enfants. Néanmoins la chance ne lui avait jamais souri. Lorsqu'elle était jeune, elle provoqua un accident de la route qui avait occasionné des embouteillages au centre-ville durant une journée entière. Cela lui avait valu deux jambes cassées et un visage défiguré par les éclats de vitres.

Comme elle n'avait pas l'argent pour subir une intervention de chirurgie esthétique, elle s'était résignée à vivre avec ce visage difforme et totalement repoussant. Elle avait abandonné toute recherche en ce qui concerne l'homme de sa vie, elle savait de toute manière que personne ne voudrait d'une femme au visage si horrifiant.

Pourtant, un jour, quand elle s'y attendait le moins, elle aperçut un jeune homme frapper à sa porte. Il était infirmier à domicile et s'appelait Pierre Lodirat. Il devait avoir trois ou quatre ans de plus qu'elle. Il était grand, brun, les yeux noisettes et le regard de braise. Elle ne résista pas un instant à son charme insoutenable.

Chaque jour, elle avait la joie de le voir s'occuper de ses blessures. Il ne manquait jamais de s'arrêter quelques minutes pour prendre une tasse de thé et discuter. Plus les jours s'écoulaient, plus son amour pour cet homme grandissait.

Cependant, elle fut choquée d'apprendre qu'il était déjà marié à Armande Blanchard et que malgré son jeune âge, il avait deux petites filles : Christine et Lucie.

Néanmoins, elle se persuada qu'il était trop tard pour elle d'abandonner l'idée d'être avec l'homme de ses rêves. Elle avait tellement imaginé être dans les bras de Pierre qu'elle se refusait de croire qu'il puisse être marié et heureux en famille. Et visiblement, il ne l'était pas vraiment. Au fil du temps, elle apprit que lorsqu'il avait connu Armande, celle-ci était déjà mariée à un certain Thomas Clair. Ils avaient eu une liaison secrète qui avait débouché à la naissance de leur premier enfant : Christine Lodirat. Après l'arrivée de Christine, les amants décidèrent de se séparer et de faire croire à Thomas que l'enfant était le sien. Un an plus tard, Armande accoucha de Lucie Clair. Mais les deux amants ne purent tenir le secret bien longtemps. Le jour du deuxième anniversaire de Christine, ils se marièrent croyant enfin pouvoir vivre leur amour pleinement. Mais la vie de marié ne semblait pas convenir complètement à Pierre qui chaque jour racontait ses déboires à Viviane.

Inévitablement, un lien fort se créa entre les deux et un jour, le dernier jour où Pierre devait soigner Viviane, ils couchèrent ensemble.

Viviane n'avait jamais été aussi heureuse de toute sa vie. Pourtant, comme toujours, son bonheur se pouvait être que de courte durée. Après ces ébats amoureux, Pierre ne vint jamais plus la revoir et ne donna plus aucun signe de vie. Elle avait beau tenter de lui téléphoner ou de le croiser en route, elle ne revit jamais plus son visage. Elle comprit alors qu'il avait simplement profité d'elle. C'est pourquoi, neuf mois plus tard, elle tint le secret de la paternité de son enfant qu'elle appela Karin Jamboux.

Alors qu'elle n'avait que trois ans, Karin perdit sa mère qui mourut d'un cancer du sein. Elle fut placée dans un orphelinat bruxellois. Elle passa le reste de son enfance dans cet établissement en attendant d'atteindre la majorité.

Cependant, quelques années après la mort de Viviane, Pierre eut vent de ce qui était arrivé. Il comprit alors que Karin était sa fille. Il ne pouvait pourtant pas la prendre en charge et pour soulager sa conscience, il entreprit de lui faire passer chaque week-end en compagnie de Christine et Lucie. C'est ainsi qu'elles passèrent leur adolescence comme trois sœurs.

Mais brusquement, Pierre Lodirat rendit son âme.

*********

Karin se pencha devant la tombe de sa mère. Elle débroussailla rapidement les quelques feuilles qui cachaient les inscriptions gravées. Délicatement, elle posa sa main sur la photo qui trônait au centre de la pierre tombale. Son visage voilé par la tristesse ne laissait plus paraître qu'amertume et tourment.

NévroseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant