Chapitre 23 - La mort

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Elle ouvrit lentement ses yeux. Tout était flou. Des bruissements virevoltaient dans la pièce jusqu'à ce que quelqu'un crie qu'elle s'était réveillée.

- Christine ? C'est moi ! Est-ce que ça va ?

- Lucie ? Lucie ?

- Non... c'est Karin.

Elle se retourna subitement et demanda à tous les occupants de quitter la pièce.

- On a besoin de se retrouver seule ! dit-elle avec autorité.

Tout le monde parti tandis que Christine se releva lentement. Le choc avait été si violent qu'elle semblait réagir au ralenti.

- Où es Lucie ? sut-elle à peine s'exclamer.

- Je suis vraiment désolée... Lucie était dans la voiture avec Roman.

- Non... dit-elle à mi-mot.

La force de son désespoir creusa un fossé sous ses pieds. Un cri inaudible déchiqueta son cœur, ses veines explosèrent à l'idée d'avoir perdu ces êtres chers. Elle tomba à terre, comme une vulgaire esclave. Aucune larme, pourtant bouillante, ne pouvait sortir de ses yeux blessés par la douleur. Le visage collé au sol, elle ne pouvait plus bouger aucun membre. Le souvenir de Roman refit surface, le sourire de Lucie commençait déjà à la hanter, les mots glacés de Karin la flagellèrent cruellement.

Karin tomba à ses pieds, le visage rempli de larme.

- Je suis désolée, Christine. Je suis vraiment désolée. Pardonne-moi ! Pardonne-moi ! Je ne voulais pas que tu souffres autant, je t'en conjure, pardonne-moi !

Les supplications de Karin ne résonnaient plus dans l'antre du monde isolé dans lequel Christine venait de se réfugier. Un calme légendaire balayait son univers paisible et surprenant. Seul le battement de son cœur plaqué contre le sol apportait une dimension supplémentaire à ce que ses oreilles pouvaient encore entendre. Elle voyageait dans une torpeur indescriptible, là où le soleil ne pouvait plus accéder, là où la couleur félicité n'existait pas. C'était si bon de se sentir englobé par la force surnaturelle de l'anéantissement, de se laisser engloutir par la puissance du vent qui portait à la mort.

Ses doigts bougeaient légèrement, se frottant inopinément au délicat tissu de sa robe encore propre. Ils tentèrent de s'agripper à ce qu'il leur restait d'un rêve déjà évanoui. Un premier cri sorti enfin de la bouche de la mariée.

- Je t'en supplie, Christine. Relève-toi. Nous allons parler, je te le promets, je jette une pierre sur le passé, mais s'il te plaît, relève-toi, dit-elle affolée.

Des lambeaux de voix chatouillèrent ses oreilles, les mots « lève-toi » la percutèrent. Ses yeux s'ouvrirent, quittant le refuge pacifique. Sobrement, elle s'extirpa de sa position allongée pour reprendre une posture normale. Les pupilles dilatées, son regard se portait sur le néant.

- Christine ! Regarde-moi ! cria Karin. Regarde-moi !

- Où est Roman ? demanda-t-elle la voix rauque.

Un long silence envahit la pièce. Karin ne savait plus quoi ajouter alors que Christine semblait complètement perdue.

- Où est Roman ? demanda-t-elle à nouveau.

Aucune réponse. L'émotion submergeait la chambre vide. Les paillettes parsemées sur le visage de Christine se ternissaient peu à peu pour s'évanouir et tomber sur le sol en cabriole acrobatique.

Quand il n'y a plus d'amour, quand il n'y a plus d'espoir, à quoi bon parler ? A quoi bon se battre ? Envie d'amour, c'est tout ce dont elle avait envie à l'instant. Envie d'amour.

NévroseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant