Le teint mat du visage de Karin n'était plus qu'un champ de ruines ravagé par des larmes cisaillantes. Mais malgré sa petitesse, elle était une femme forte qui savait affronter les difficultés avec dignité. Alors, elle s'essuya vivement le visage pour ensuite se remaquiller et camoufler les restes de son désarroi.
Elle sortit de la salle de bain comme si rien ne s'était passé. Thibaut était toujours assis sur le divan, décortiquant le carnet avec avarice.
Elle s'arrêta devant lui, prit son sac et fit mine de s'en aller.
- Où vas-tu ? demanda-t-il sans lever la tête en sa direction.
- Je m'en vais prendre l'air. Ça devient irrespirable ici, répondit-elle en contenant son émotion grandissante.
- Attends...
Elle se retourna, les yeux remplis d'espoir.
- Je m'excuse, dit-il après avoir lui avoir jeté un bref regard. Je n'aurai pas dû mettre tes intentions en doute concernant Christine. Je ne voulais pas te faire de mal.
- Ce n'est pas de ces excuses dont j'ai besoin, mais de ton amour.
- Je suis désolé...
Elle s'avança, s'approcha de lui et lui arracha le carnet des mains.
- Pourquoi ne me regardes-tu pas dans les yeux quand tu me parles ?
- J'étais concentré... maintenant qu'on a retrouvé ce carnet, il faut que je l'étudie pour mieux comprendre Lucie.
- Arrête de détourner sans cesse la conversation. Tu ne me parles que de cette affaire, mais moi je te parle de nous ! Est-ce que tu m'aimes Thibaut ? Est-ce que tu m'aimes ? insista-t-elle.
Il se leva, pour éviter de répondre.
- Pourquoi n'arrives-tu pas à m'aimer comme je t'aime ? continua-t-elle. Pourquoi faut-il que tout sois si compliqué ?
Elle fit marche arrière et s'en alla. Sans bouger, il la regarda partir.
Sans transition, il replongea dans la lecture du carnet. Mais cette fois, il n'arrivait plus à se concentrer. C'était le visage de Karin qu'il revoyait sans cesse, son expression sérieuse et triste. Une rage soudaine monta en lui, il avait envie de hurler, de sortir de son corps pour oublier, oublier sa triste déconfiture.
Pour la première fois de sa vie, il pensa que la situation de Lucie devenait enviable et qu'il devait être réconfortant de pouvoir oublier toutes les choses qu'on ne veut plus se rappeler. Malheureusement pour lui, c'était impossible. La réalité été là : il n'avait plus de sentiments pour sa femme. Ils n'étaient pourtant pas mariés depuis longtemps, mais il sentait que leur histoire touchait incontestable à sa fin. Il détestait l'idée de ressentir de l'amertume ou quelconque sentiment d'échec. Pourtant, c'était ce qu'il éprouvait et il en était malade.
Il tournait en rond dans son appartement comme un lion en cage, ressassant sans cesse les dernières paroles de Karin. Elle avait raison, il ne percevait pas la souffrance de sa femme, il n'arrivait pas à la discerner. Il aurait tant voulu l'aimer comme un fou, la couvrir d'attention et de baiser mais cela lui était impossible, tout simplement impossible. Il pataugeait dans une tristesse sans pareille. Il était aussi désemparé qu'un oiseau qui a perdu son nid. Il avait envie de pleurer mais sa rage l'en empêchait.
Quelques instants plus tard, on frappa à la porte. Lorsqu'il alla l'ouvrir, un choc l'immobilisa.
Un homme était dressé devant lui, le dos tourné. Il était habillé d'un costume gris et de chaussures noires. Ses cheveux étaient foncés et d'après ce qu'il pouvait percevoir, il était mal rasé.
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Névrose
Mystery / ThrillerIl était une fois Georges. Il était une fois Lucie. Georges et Lucie s'aimaient. Georges est mort. Alors que Lucie cherche à découvrir les vrais raisons du décès de l'homme qu'elle a toujours aimé, des évènements étranges viennent troubler sa vision...