Chapitre 3 - La porte
Arrivée chez elle, avec le plaisir et la nouveauté que lui procurait ce retour à la maison, si laide que puisse être cette dernière, elle installa ses outils sur le sol délabré du salon. La jeune femme voulait être stratégique. Si elle pouvait ne pas trop abîmer la porte, cela ne pouvait être que mieux, ne serait ce que pour éviter d'avoir à se justifier, à inventer une histoire d'effraction, ou payer la note des dégâts. Mais si celle ci venait à se montrer recalcitrante, alors Lemie n'aurait pas le choix, il faudrait employer la manière forte. Ce n'était pas un problème compte tenu de ce dont elle avait fait l'acquisition, elle s'était équipée plus que de raison lors de sa virée au magasin. Elle empoigna les premiers outils les moins intrusifs, et s'approcha de la porte, investie de sa mission.
Désespérément seule, Lemie se surprise à lui parler, comme si elle échangeait avec une réelle personne, la menaçant d'être plus têtue qu'elle. La situation lui aurait paru plus ridicule, si elle avait craint d'être surprise par qui que ce soit. Mais lorsque l'on est seul avec soi même, on peut s'autoriser quelques folies.
Ainsi, le message fut très clair, Lemie ne plierait pas face à la possible désobéissance de ce bout de bois récalcitrant. Comme si la porte allait se montrer plus docile après ces quelques menaces. La jeune femme bidouillait, sans trop savoir si ce qu'elle faisait lui permettrait d'arriver réellement à ses fins. Qu'à cela ne tienne, elle s'était promis de ne rien lâcher sans une victoire par KO. C'était d'ailleurs l'un de ses traits de caractère les plus profondément ancré. La jeune femme avait une fâcheuse tendance à avoir du mal à faire les choses, mais dès lors qu'elle se lançait dans un but précise, elle ne pouvait plus en dévier sans arriver à l'objectif qu'elle s'était fixée. Et alors que Lemie tentait désespérément de pénétrer dans ce lieu presque sacré à ses yeux, une voix l'interrompit.
- Tu fais quoi ?
En se retournant, Lemie vit une jeune femme mince aux cheveux presque rouge, d'une trentaine d'années, soit à peu près son âge, mais dont elle n'avait rien à envier, considérant sa vulgarité naturelle et évidente. Elle se tenait là, vêtue d'un jean noir troué, les mains dans les poches de sa veste en faux cuir de la même couleur, mâchant vivement un chewing gum. a ses poignets, de nombreux bracelets cognaient les uns contre les autres à chaque léger mouvement qu'elle faisait. C'en fut vite très agaçant, mais la surprise prit le dessus, inexorablement.
- Tu ne vas pas me répondre ? Insista l'inconnue, adossée au mur beige du couloir.
Lemie l'observa encore sans dire le moindre mot. Qui était elle ? Et surtout, comment avait elle fait pour entrer dans ce bâtiment, où seule elle était censée avoir accès. La jeune femme lui posa enfin la question.
- Qui es tu ?
L'inconnue se mit à rire comme si elle n'avait jamais entendu de plus ridicule question. Et, en se calmant enfin, lui répondit :
- Je suis ton imagination. Avant de ricaner à nouveau.
Lemie ne trouva pas la blague très drôle, ce qui se lit instantanément sur son visage, ce qui apaisa les gloussements de l'étrangère.
- Oh ça va ! Panique pas. Je suis Oli, l'ancienne locataire.
- Qu'est ce que tu fais ici ?
- Je suis venue récupérer des affaires, et je tombe visiblement bien, parce que tu sembles être en conflit profond avec cette bonne vieille porte.
Oli sortit sa main de sa poche, tendant le sésame pour entrer dans la pièce à Lemie. Cette dernière qui s'était écorchée les mains sur la porte inutilement, venait d'enfin trouver une solution à sa problématique. Elle allait pouvoir découvrir l'intérieur de cet endroit qui lui appartenait, et dont elle ignorait tout.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".