Tandis que l'homme reprenait lentement conscience, Oli se baissa devant lui, prête à lui faire comprendre qu'il n'avait pas choisi la bonne proie. Le serrurier était vaseux, fébrile, et sentait qu'il allait avoir des problèmes avec elle. Il était évident qu'Oli n'était pas aussi facile que Lemie. Fataliste, il comprit qu'il ne lui servirait à rien de tenter de se défendre, et décida de ne pas nier les faits, puis il supplia la jeune femme de le laisser partir.
- Parce que tu penses que je vais te laisser t'en aller sans rien dire ? Demanda Oli.
- S'il vous plait madame, j'ai mal interprété les signaux. Je suis désolé.
Pour Lemie, il ne faisait aucun doute qu'il était sincère, mais Oli n'en était pas si convaincue. Elle envisagea de le laisser enfermé dans la pièce, le temps de lui donner une bonne leçon. Mais son hôte décida qu'il fallait en finir, et ouvrit la porte, afin de laisser s'échapper l'homme. Ce dernier ne prit pas le temps de la réflexion. A peine il vit l'ouverture, qu'il disparaissait, sans que jamais il ne revienne dans les parages.
- Pourquoi l'as tu laissé partir ? S'énerva Oli.
- Que voulais tu lui faire ? Nous ne sommes pas censées faire justice nous même.
Oli était déçue, agacée par le manque de réactivité de Lemie, et surtout, sa capacité à subir, sans jamais s'élever contre ce qui pouvait la heurter, voire la briser. Mais elle n'insista pas plus, sentant que cela serait sans doute le point de départ d'une dispute sans nom. Son hôte la contempla un moment, sans doute persuadée qu'Oli allait poursuivre le débat, mais rien ne vint. Alors, soudainement, elle lui rappela qu'elle devait partir.
- C'est comme ça que tu me remercies de t'avoir sauvé des griffes de ce sale type ?
- Que veux tu que je fasse de plus ? Que je t'héberge à nouveau ? Répondit Lemie.
- Laisse tomber.
Oli ramassa le bâton qui lui avait servi contre l'homme, puis, nourrit d'un dernier espoir, demanda à Lemie un ultime service.
- Est ce que je peux laisser la malle ici ? Juste le temps de trouver quelqu'un pour m'aider à la déplacer.
Lemie ne se sentit pas de refuser un si petit geste, après ce qu'Oli venait de faire pour elle. Elle accepta sans rechigner, et laissa repartir Oli vers d'autres contrées, sans savoir où celle ci pourrait bien passer la prochaine nuit. Ce n'était déjà plus son problème en quelque sorte. Elle resta dans la pièce, seule, un bon moment, perdue dans ses réflexions. Plus les jours passaient depuis son arrivée, et plus la jeune femme était inquiète. Si ce choix d'être venu ici était le plus mauvais de toute sa vie ? Et si son projet n'avait finalement pas la possibilité de prendre vie ici même ? Lemie ressassait le problème dans tous les sens, et comprit que cela lui prendrait sans doute du temps, avant de confirmer ou non ses doutes. Ce n'était, de toute façon, plus le moment de s'égarer, la journée touchait à sa fin, et il ne lui restait plus qu'une petite soirée pour profiter de ses vacances.
En fin d'après midi, pour la première fois depuis son emménagement, Lemie se rendit dans la cuisine, et décida de se préparer quelque chose. Une activité qu'elle n'avait plus l'habitude de faire depuis son arrivée. En ouvrant le frigo, la jeune femme découvrit qu'elle n'avait rien à se mettre sous la dent. Il lui restait à peine une heure avant que les magasins ne ferment. Elle ne perdit pas de temps, et sortit faire quelques courses à l'épicerie du coin, qui se trouvait à deux rues de chez elle. Arrivée sur place, perdue dans les rayons de la supérette à la recherche du repas qui lui ferait envie, quelqu'un la bouscule soudainement. Lemie perd l'équilibre et se retrouve projetée au sol. Agacée d'avoir à faire à quelqu'un qui ne fait pas attention, la jeune femme refuse la main tendue qui lui a été offerte pour se redresser sur ses jambes. Puis, en levant les yeux, elle se rendit compte que la seule personne capable d'être suffisamment impolie pour la percuter, ne pouvait être quelqu'un d'autre qu'Oli.
- Je suis désolée Lemie, je ne t'avais pas vu. Lui lâcha la jeune femme.
- Comme par hasard. Répondit Lemie, en soupirant.
Oli sentit que son ancienne hôte n'allait pas lui pardonner si facilement. Elle ramassa ses courses, en attendant de trouver le bon mot, qui ferait dissiper le malaise.
- Tu as des invités ce soir ? Demanda Oli.
- Qu'est ce que ça peut bien te faire ?
- Rien. C'était juste comme ça. Je te laisse. Je dois y aller.
Lemie voulu rattraper Oli. L'idée de l'inviter prendre ce repas avec elle l'avait effleurée, mais son besoin de solitude fut plus grand encore. Elle laissa la jeune femme disparaître sous ses yeux, et poursuivit ses courses, boitillante, la chute lui ayant un peu amochée la jambe. Moins motivée qu'à son arrivée, elle finit par attraper le premier repas surgelé tout fait sur lequel elle tomba, et s'empressa de rentrer chez elle.
En montant les escaliers, Lemie eut comme l'impression qu'Oli allait l'attendre en haut. Mais une fois sur place, personne. La jeune femme était bien seule, comme elle l'avait tant désirée. Elle se fit chauffer son modeste repas, et après l'avoir engloutit rapidement, s'endormit devant la télé jusqu'au petit matin.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".