Le lendemain matin, Lemie ouvrit les yeux en ayant l'impression d'avoir très peu dormi, ou du moins d'un sommeil agité et trop peu reposant. Elle observa le plafond, et attendit sagement, avec l'espoir d'entendre frapper à sa porte. Mais, alors que les minutes semblèrent défiler, personne ne fit son arrivée. Lemie sortit de son lit péniblement, fatiguée. Elle se traîna jusqu'à la salle de bain, et après avoir fait un brin de toilette, elle se rendit dans le salon. Elle tournait en rond comme un lion en cage, mais ne pouvait accepter de devenir dépendante de qui que ce soit. Lemie s'obligea à penser à autre chose, en vidant, un à un, ses cartons.
Chaque objet qu'elle en sortit lui rappela son ancienne vie, pourtant si paisible pendant longtemps, dans son souvenir. Ce cendrier un peu fêlé dont elle n'avait jamais eu utilité, puisque la jeune femme n'avait jamais fumé une seule cigarette de sa vie, et dont elle se demanda si ce fut un cadeau, ou un achat inutile de sa part. Cette statuette en forme de chat noir qu'elle avait gardé sans trop savoir pourquoi, que sa vieille tante lui avait offerte. Et puis, ce cahier. Celui où Lemie couchait toute sa vie, ses dessins, ses idées et ses projets les plus fous. Elle l'ouvrit comme si elle en ignorait le contenu, et redécouvrit avec stupeur, le bonheur qui émanait de ses propres mots. Quelques lignes à peine lui suffirent pour être convaincue que cette lecture ne lui ferait pas du bien. Elle referma l'ouvrage personnel, écœurée d'avoir retrouvé ces émotions de plaisir tout droit venues du passé, si infimes furent elles.
Ce que Lemie voulait, c'était avant tout de ne plus se soucier d'hier, pas plus que de demain, mais bien de se consacrer au présent. Seule période que l'on est véritablement sûr de vivre. Mais son plan avait pris un tournant déjà différent, malgré son récent emménagement, à cause de la présence d'Oli, ainsi que de son absence.
A 19h18, le même jour, Lemie entendit frapper à la porte. Elle s'empressa d'aller ouvrir. Oli se tenait là, mâchant son chewing gum frénétiquement, et attendant d'être invitée à l'intérieur.
- Tu ne me fais pas entrer ? Demanda t elle.
Peu habituée aux politesses d'usage, Lemie rectifia le tir rapidement, en lui cédant le passage.
- Je ne t'attendais pas. Lança t elle.
- C'est pour ça que c'est intéressant. Répondit Oli.
Lemie prit conscience que le seul et unique objectif de sa convive était de semer le trouble dans son esprit. Sans doute parce que cela l'amusait, ou la faisait vibrer. Il y avait forcément une raison à ce comportement. Grâce à cette nouvelle lucidité, la jeune femme finit par se convaincre d'être en mesure de maîtriser la situation.
- Il te reste de la vodka d'hier ? Demanda Oli.
Sans répondre, Lemie alla chercher la bouteille qu'elle avait rangé dans un placard de la cuisine. L'idée même de laisser à nouveau ce liquide entrer dans sa bouche la glaçait. Mais Oli était bien décidée à partager le breuvage à part égale.
- Je suis prête à te raconter une histoire. Lança t elle.
Lemie, curieuse et impatiente, s'installa sur le canapé, au côté d'Oli, prête à dévorer un à un chaque mot qui sortirait de sa bouche, pour s'en imprégner et s'en servir par la suite, les jours en mal d'inspiration.
- Je t'écoute.
- Je ne suis pas sûre que tu sois totalement prête.
- Je le suis. Affirma Lemie.
Oli accepta de croire en la certitude profonde de son hôte et se lança dans un étonnant récit.
- Un jour, j'ai rompu avec mon copain. Un type super, jusqu'à ce qu'il change pour une autre femme. Je veux dire, comme s'il était passé d'une personnalité, à une autre, sans prévenir. Sans le moindre prémisse pour me mettre sur la voie. Parce que parfois, on se dédouble presque, jusqu'à ne conserver que la pire partie de nous même. C'est ce qu'il lui est arrivé. Quans sa transition fut achevée, je suis passée de son idéal féminin, à la pestiférée qu'il fallait impérativement dégager de son espace vital. J'étais à la rue, quand j'ai rencontré un type un peu louche. Tu sais, le genre de mec à qui on ne donne pas d'âge tant il est ravagé par la vie. Très marqué au niveau du visage, il se tenait malgré tout bien. On sentait qu'il avait vécu de lourdes choses, et cela pouvait se lire dans son regard. Quand il parlait, il ne prenait pas la peine d'articuler. Pour lui, il était évident que si l'on voulait le comprendre, on avait qu'à tendre l'oreille avec attention. J'ai discuté avec lui, peut être une heure ou deux, et de fil en aiguille, il a été pris d'empathie à mon égard, compte tenu de ma récente situation. Il m'a proposé un toit, et m'a promis que s'il n'était pas forcément de bonne qualité, il me protégerait de la rue.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".