Chapitre 7 - La chambre

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Légèrement ivre, Lemie alla se coucher enfin. Nous étions au milieu de la nuit, et le bruit que faisait Oli, depuis sa pièce, assurait que celle ci ne dormait pas encore. Lemie n'arrivait pas à trouver le sommeil non plus. Elle eut beau se tourner et se retourner encore, mettre son oreiller sur son visage pour moins entendre les nuisances sonores de son invitée, elle ne put parvenir à s'enfuir au pays des rêves. D'ailleurs, des rêves, elle n'en avait pas fait depuis son emménagement, pas plus que des cauchemars. Lemie en était presque à se demander si elle avait déjà réussi à dormir depuis ces quelques jours dans son nouveau décor. Autant qu'elle avait perdu le sommeil, elle avait peu mangé également. Lemie ne s'imaginait pas ses premiers jours de la sorte. Elle avait pourtant tout prévu, mais on n'obtient toujours le contraire de ce que l'on désire.

Elle devait arriver là, s'installer, et pouvoir s'enfermer un peu plus encore dans la solitude qui était déjà la sienne auparavant, mais en la vivant d'autant plus intensément. Elle voulait simplement exister, sans que personne ne le sache. Toutefois, son plan n'avait pas prévu l'arrivée d'Oli. Et celle qui devait se faire oublier, pour s'effacer elle même, fut bien contrainte d'admettre qu'il existait au moins deux personnes sachant où la trouver. Dirdre bien sûr, encore que lui, elle en faisait son affaire. Mais surtout Oli, qui partageait presque son quotidien comme une vieille amie, alors qu'elles ne se connaissaient pas. Pourquoi celle ci avait apparu précisément à cette période de la vie de Lemie ? C'est la question que se posait inlassablement la jeune femme, sans pour autant y trouver de réponse.

Au petit matin, la vie reprit son court. Il fallait que Lemie avance. Qu'elle débute enfin ce qu'elle avait planifié de A à Z, dans son esprit. Elle n'était pas venue ici pour rien, et il était grand temps qu'elle débute son projet. Dans un grand sac poubelle noir, posé dans un coin de sa chambre, elle sortit son matériel. Crayons, feutres, pinceaux, peintures, tableaux. Perchée sur une chaise pliante, et ne mesurant pas le potentiel danger de la situation, Lemie commença à accrocher ses premières toiles blanches au mur. Celles ci ne racontaient rien, ni en dessin, ni en mot, mais elle le savait, elles seraient une grande partie de son plan. Il fallait donc que tout soit parfait, comme dans ce qu'elle avait imaginé.

Alors que la jeune femme s'attelait à ce qu'elle voyait comme le travail de toute une vie, elle n'entendit pas qu'Oli avait pénétré dans l'appartement, dans la plus grande des discrétions. Arrivant à pas de chat à l'entrée de la chambre, elle remarqua la scène qu'était en train de jouer son hôte.

- Tu fais quoi ?

La phrase d'Oli rappela à Lemie leur première rencontre, lorsqu'elle tentait d'ouvrir, en vain, la porte extérieure. Elle se retourna, surprise de la voir dans son appartement, sans y avoir été invitée.

- Alors, tu ne réponds pas ? Tu fais quoi ? Insista Oli.

- ça ne te regarde pas.

Lemie fit sortir son invitée de sa chambre avec vigueur, et ferma à clé la porte de celle ci. Le message était très clair, l'accès à cette pièce était interdit. Dans l'immédiat, la jeune femme ne voulait surtout rien révéler de son projet. Elle voulait qu'il soit à découvrir, en un bloc, une fois terminé. Oli ne comprit pas tout ce mystère autour de quelques toiles blanches, mais elle ne pouvait pas en dire grand chose, tant elle même cachait de choses au fond d'elle. Elle ne chercha pas plus loin, sur le moment. C'est alors que Lemie lui demanda ce qu'elle voulait.

- Rien de spécial. Il est 19h18.

Lemie comprit que ce rendez vous était déjà un rituel dans l'esprit de son invitée, et que cette nouvelle habitude allait lui compliquer la tâche. Pourtant, il lui était difficile de refuser la venue d'Oli, tant elle avait déjà du mal à s'exprimer face à elle.

- Tu n'as rien fait à manger ?

- Je n'avais même pas vu l'heure. Répondit Lemie.

Oli se dirigea vers la cuisine, comme si elle était un peu chez elle, et ouvrit le frigo. A l'intérieur, le vide. Pas même un vieux yaourt périmé, ou quelque chose qui puisse lui remplir l'estomac.

- Tu ne fais jamais tes courses ? Demanda Oli.

- Parce que tu en fais toi ? Répondit, agressivement, Lemie.

Face au comportement de son hôte, Oli comprit qu'elle n'était pas venue dans un bon moment. Elle décida donc de s'éclipser, pour le plus grand plaisir de Lemie. Cette dernière qui se retrouvait à nouveau seule dans son appartement, mais en sentant toujours la présence si proche de la jeune femme. Ce n'était pas du tout ce qu'elle avait prévu. Et à peine quelques jours après avoir débuté son périple dans ce logement, elle constata que cela n'allait pas fonctionner ainsi. Il fallait faire quelque chose. Soudain, la fameuse malle revint à l'esprit de la jeune femme. Et si elle forçait réellement la serrure ? Peut être qu'Oli serait plus sujette à s'en aller, vexée et trahie par ce comportement. Ce n'était pas raisonnable, mais rien ne l'était plus depuis longtemps. Lemie réfléchit, et se demanda quel outil elle pourrait utiliser pour arriver à ses fins. Pour, à la fois, découvrir ce qu'elle renfermait, et faire partir celle qui était venue la troubler. 


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