Lemie resta enfermée dans sa chambre durant un long moment. Probablement une éternité qui dura quelques heures ou quelques jours. La jeune femme ne savait pas, ne savait plus. Oli n'était pas venue une seule fois troubler son besoin de solitude. Pendant cette isolation, Lemie avait ajouté le mot «Silence», sur ses toiles. Ce seul mot supplémentaire. Rien d'autre ne lui était venu, tant il n'y avait que ça autour d'elle. Elle eut tout le temps de réfléchir à sa vie, à elle. Mais ses souvenirs n'en avaient pas profités pour revenir. Ils étaient toujours absents.
Une fois encore, Lemie suffoqua de rester dans son appartement. Elle voulut sortir, sans but précis. Juste être dehors. Remplir ses poumons d'air. Regarder le ciel. Voir des âmes se promener. Elle voulait tout ça. Elle attrapa son manteau noir et mit le nez dehors, comme si elle venait à peine de sortir d'un emprisonnement sans fin. Ce jour là, elle vit tout ce qui l'entourait. Ces édifices, pas vraiment beaux, sans histoires, qui semblaient montrer une autre facette d'eux. Elle y vit des rideaux en dentelles blanches, avec des motifs de félins dessus, à des fenêtres. Une vieille dame souriante qui remontait la rue, chargée d'un sac de courses, le sourire aux lèvres. Des enfants en train de jouer au ballon, dont l'insouciance débordait. Un jeune garçon qui entrait dans la vie réelle, en train de coller son symbole de jeune chauffeur sur la voiture de ses parents souriants et fiers. Et puis, le jour. La clarté du ciel et du soleil qui se reflétait sur tout et sur tout le monde. Lemie pensa bêtement que tout ce qu'elle pouvait admirer là, ne lui avait jamais parut aussi beau. Pendant un instant, elle se moqua bien de ne pas être complète. Quand soudain...
- Mademoiselle ! Mademoiselle !
En se retournant, Lemie vit le vieil homme. Un large sourire vint illuminer son visage.
- Tu sembles drôlement heureuse jeune fille. Lui lança le SDF.
- Je ne saurais l'expliquer, mais oui.
- Quelque chose de bien est arrivé ?
- Pas du tout. Je me suis disputée avec mon amie, et je suis restée seule le temps de digérer. Mais je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui, en sortant, je vois des choses que je n'avais jamais remarquée.
- Bientôt tu pourras comprendre alors. Répondit le vieil homme.
- Je crois que j'ai compris quelque chose.
- Dis moi jeune fille.
- C'est cet appartement. Il y a un problème dedans. Je suis convaincue que c'est le lien.
L'homme se mit à rire pendant deux bonnes minutes. Il en eut presque les larmes aux yeux tant il trouva les propos de Lemie amusants.
- Qu'est ce que j'ai dit de si drôle ? Tenta de savoir la jeune femme.
- Les humains sont magnifiques. Quand ils ont un problème, ils ont ce besoin de trouver un sens qui les dépassent. Le problème d'une maison, ce sont ses habitants. Un domicile n'est qu'un corps, dont les résidents sont le cerveau. Et crois moi si je te dis que le problème émane toujours du cerveau.
Lemie regarda l'homme, comprenant que celui ci tentait de lui faire entendre qu'elle était son propre souci. Ni son appartement, ni Oli, ni ses parents, ni rien, ni personne. C'était elle, et depuis toujours, sans même qu'elle en eut un jour conscience. Elle en était encore à ces constatations quand l'homme reprit la parole.
- Tu es heureuse parce que, pour la première fois, tu ne te laisses pas ronger par un événement négatif.
- Vous parlez de ma dispute avec mon amie ?
- Qui te dit qu'elle n'est pas ton ennemie ? Ajouta le vieillard.
- Elle l'est peut être, en effet.
- Tu vois. Tu laisses la possibilité qu'elle soit autant ton amie, que ton ennemie. C'est bien la preuve que tu ne te laisses pas ronger.
- Sans doute. Je ne sais pas.
- Jeune fille, tu vas bientôt pouvoir te souvenir. Prends soin de toi le moment venu. Ce sera une nouvelle prison, mais souviens toi de ce que tu auras appris, et sers en toi pour en sortir.
La jeune femme ne comprit pas où voulut en venir le SDF. Pourtant, ses mots résonnaient dans son esprit, telle une douce poésie. A se dire qu'elle n'attendait plus que ce moment là. Ce petit instant qui la ferait basculer, pour renaître enfin. Ce moment qui lui ferait ouvrir les yeux, à son tour. Elle repensa à OIi, et sa faculté à ne pas souffrir. Elle aussi, avait dû reprendre son histoire par la fin pour en arriver là. Elle qui avait eu tant de douleurs, et qui avait fini par ne plus rien ressentir du tout. Mais ce n'était pas ce dont Lemie rêvait pour autant. Elle, ce qu'elle espérait, c'était de pouvoir cohabiter avec ses bonnes, et ses mauvaises émotions. Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, l'homme se remit à parler, une fois encore.
- ça viendra jeune fille !
- De quoi parlez vous ?
- Et bien, de ton besoin de t'accepter. De vivre avec toi même !
- Comment savez vous ? Répondit Lemie, en le dévisageant.
- Je te l'ai dit. Je vois des choses que tu ne vois pas. Va t en maintenant. Tu as une vie à vivre.
Lemie ne discuta pas les conseils du vieillard, et se remit aussitôt en chemin. Elle observait, toujours avec la même rigueur, ce qui l'entourait. Ces gens là ne semblaient pas si malheureux de vivre. Ou s'ils l'étaient, ils le cachaient magnifiquement bien. C'était peut être ça, se dit elle. Ils avaient sans doute réussi à partager leurs tristes et douces émotions. Ils étaient sortis de leur prison.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".