Ce jour là, Lemie ne sortit plus de sa chambre. Elle resta, pensive, assise sur son lit, les yeux fixés sur la fenêtre, dépourvue de rideau. La symbolique était parfaite. Rester focalisée sur ce monde extérieur auquel elle ne participait pas, ou si rarement, lui rappelait toute son impuissance à se réveiller enfin. Des heures passèrent ainsi, jusqu'à ce que la nuit tombe à nouveau. Sans doute inquiète, Oli rodait près du sanctuaire de la jeune femme. Ce n'était pas son genre d'hésiter à faire quelque chose, mais celle ci avait sûrement sentie le malaise de son hôte. Peut être avait elle conscience d'y avoir pris part, d'une certaine manière. C'est elle qui avait poussé Lemie dans ses retranchements, qui l'avait conditionné à enfin sortir quelque chose d'elle, quelque chose qui la pesait. Et elle avait réussi, avec brio. Pourtant, Oli était lucide et savait bien qu'au fond, elle jouait avec le feu en chatouillant la sensibilité de son hôte. La jeune femme continuait ainsi de faire les cent pas dans le couloir, non loin de la porte de la chambre. Il était possible que ses allers et venues finissent par faire sortir Lemie.
Près d'une heure s'écoula ainsi, sans que rien ne se passe. Soudain, Oli, agacée d'attendre une réaction de la jeune femme, décida de lui emboîter le pas, et frappa à la porte. Celle ci se doutait bien qu'elle n'aurait pas la permission d'y entrer. Mais en faire sortir sa presque prisonnière avait déjà le goût d'une victoire.
- Que veux tu ? Demanda Lemie.
- Tu es restée là dedans toute la journée. Tout va bien ?
- Je vais bien. Laisse moi tranquille.
Oli ne fut en aucun cas convaincue de cette réponse, et insista encore.
- Lemie, tu ne devrais pas t'isoler comme ça.
- Et qui es tu pour savoir ce que je devrais faire ou non ? Demanda le jeune femme.
Dans un soupir, Oli s'avoua vaincue pour le moment. C'était la première fois que son hôte faisait réellement quelque chose pour elle, sans se soucier de ce que l'on pourrait en penser. Si son évolution devait passer par un retranchement total, alors, Oli ne pouvait que le respecter. D'autant qu'il était évident que la jeune femme finirait par pointer le bout de son nez, qu'elle le veuille ou non. Ne restait plus qu'à se montrer patiente, ce qui n'était pas tellement son fort.
La nuit passa et, au petit matin, Oli n'en pouvait déjà plus de la situation et du silence pesant qui entourait la présence de Lemie. Elle frappa à nouveau à sa porte, sans se soucier de potentiellement déranger le sommeil de celle ci.
- Debout là dedans. Il est temps de te réveiller. Lança Oli.
Dans quelques gémissements de plaintes, Lemie semblait faire comprendre qu'elle n'avait aucune envie de quitter son lit. Mais Oli était plus que décidée à ne rien lâcher ce jour là.
- Allez, sors de ton lit. Je nous ai prévu une sortie aujourd'hui.
Lemie en avait pris l'habitude. Les sorties avec son invitée ressemblaient à des cauchemars, qui la faisait toujours rentrer plus mal que bien.
- Je sens ton inquiétude jusqu'ici. Promis, je ne ferai rien qui pourrait te perturber.
Comme si elle n'avait finalement rien a perdre, Lemie assura arriver bientôt, et tint sa promesse. Moins d'une demie heure plus tard, elle quittait enfin sa chambre pour se diriger vers la salle de bain, et se préparer à cette nouvelle excursion, tant bien que mal. Ensemble, elles sortirent et entrèrent dans la voiture d'Oli. Se retrouver là aurait pu troubler Lemie, pas totalement remise de leur dernier moment partagé. Pourtant, celle ci comptait sur la promesse de son invitée. Cette sortie ne devait rien avoir de perturbant. Elle l'avait promis. Et si une promesse n'est pas faite pour être tenue, elle ne peut, par définition, être une promesse. Alors Lemie ne voulu pas remettre en question les bonnes intentions de celle qui ressemblait le plus à une amie, dans son entourage. Elle suivit le mouvement, sans vraiment jeter un oeil sur le décor qui défilait sous ses yeux. Si elle avait dû rentrer chez elle seule, elle en aurait été bien incapable. Elle avait bien vu quelques détails, notamment cette foule d'arbres et cette maison aux airs abandonnés. Cette station service où les gens semblaient se presser, pour aller dévaliser la boutique qui l'accompagnait. Ces quelques personnes se promenant, sur les trottoirs, mais rien de suffisamment précis pour retracer le chemin dans sa tête. Ce n'était pas très grave. Il n'y avait aucune raison pour qu'Oli lui reprenne sa main, juste après lui avoir tendu. Cela n'aurait rien eu de logique, pensa t elle.
- Alors, tu as peur ? Demanda Oli.
- J'ai décidé de t'accorder ma confiance. Répondit la jeune femme.
- Ta confiance ? Alors là, Lemie, tu viens de faire un pas de géant.
Oli ne croyait pas si bien dire. Jusque là, son hôte n'avait jamais attribué sa confiance. Ou du moins, pas depuis très longtemps, et jamais accompagnée de ce lâcher prise, si étranger pour elle. Mais cette fois, Lemie ne voulait pas s'encombrer de pensées négatives. Non. Elle voulait se laisser porter. Admettre qu'on ne peut pas toujours tout contrôler. Se laisser guider. Même si cela venait à impliquer une route qu'elle n'aurait pas choisi. Et, en arrivant sur un grand parking de magasin de vêtements, Lemie comprit que, cette fois, elle avait bien fait. Oli n'allait pas jouer avec ses nerfs, pas plus que sa vie. Non ! Cette fois, elle avait visiblement choisi d'être une amie normale. C'est du moins ce que s'imaginait Lemie, en découvrant le lieu que son invitée avait choisi.
- Alors, tu es prête ? Lança Oli, sourire aux lèvres.
- Tu veux faire du shopping ?
- Les grands révolutions impliquent de grands changements. Tu es venu chercher quelque chose, mais tu ignores encore comment le trouver. J'ai décidée de t'aider à y parvenir.
- Et tu crois qu'en m'achetant deux hauts et trois pantalons, j'y verrais plus clair ? Demanda Lemie.
- Je crois qu'en te découvrant autrement, tu verras les choses différemment.
Oli sortit de la voiture et invita Lemie â la rejoindre. Si cette dernière avait feinté un ressenti blasé, elle se réjouissait intérieurement de cette sortie entre fille. C'était bien la première fois qu'elle allait pouvoir bénéficier des conseils de quelqu'un pour se vêtir. D'autant qu'Oli savait s'habiller, à sa façon. Certes, son look débraillé ne faisait pas rêver Lemie, mais son style avait le mérite de ne pas là faire passer inaperçue. Les gens la voyait, ce dont Lemie ne pouvait se vanter pour sa propre personne.
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L'Appartement
Short Story"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".