Chapitre 19 - Dirdre

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De retour chez elle, Lemie profita du silence qui y régnait. Enfin un peu de solitude se dit elle. Il y avait longtemps qu'elle ne l'avait pas apprécié comme il se devait. Et cette nuit là, la jeune femme put s'en délecter sans limite, car Oli ne rentra pas. Ni ce soir là, ni le lendemain, ni les jours qui suivirent. Lemie fut plongée dans la plus extrême des absences. Mais, au lieu de se morfondre de la situation, la jeune femme décida de poursuivre son projet. Elle attrapa ses pinceaux, et de sa plus jolie écriture, commença à noter toutes les phrases qui lui passaient par la tête. Celles ci étaient un concentré de ce qu'elle avait récemment vécu.

A mesure que ses mots s'installaient sur les toiles, Lemie sentait que d'autres venaient, encore et encore. Elle aurait pu recouvrir l'intégralité de sa chambre en l'espace de quelques heures, tant son esprit était en ébullition totale. Elle passait du rire aux larmes, du bonheur au désespoir. Ainsi, les phrases qu'elle inscrivait n'avaient pas de réels liens entre elles. On pouvait lire, au milieu d'une toile : "J'ai si facilement ce sentiment de ne plus exister", suivi d'un "c'est étrange ce petit bonheur que j'ai attrapé". Nul besoin d'être un fin psychologue pour comprendre que la jeune femme évoquait autant la sensation de n'être personne qui demeurait en elle, que sa rencontre avec Oli qui, malgré ses bas incontestables, lui offrait également des moments savoureux, qu'elle n'avait jamais connu jusque là. Son inspiration se stoppa lorsqu'elle inscrivit : "C'est lorsqu'ils ne sont pas là, que l'on se rend compte du vide que les gens laissent derrière eux".

En observant de façon globale toutes les pensées qu'elle venait d'écrire, Lemie se laissa tomber sur son lit qui n'avait pas été fait depuis un bon moment. Elle comprit que, quoi qu'elle puisse penser d'Oli, celle ci avait finalement raison. Elle n'avait aucune idée de ce que c'était d'aimer. Et cela pour une raison très simple, elle n'avait jamais eu le plaisir d'être aimé elle même.

Quelques jours passèrent encore, sans qu'Oli ne refasse surface. Lemie comprit qu'il allait falloir de nouveau apprendre à ne compter que sur elle. Et si elle savait le faire, grâce à une grande expérience en la matière, le fait d'avoir connu un semblant de vie à deux l'empêchait de retrouver toutes les saveurs qu'elle avait tant apprécié, jusque là, dans sa solitude.

Lemie tournait en rond dans son appartement, ne sachant plus trop quoi faire. Pour un peu, elle aurait presque aimé reprendre le travail, mais les travaux suite à l'incendie débutaient à peine là bas. Il était évident qu'elle ne pourrait s'y rendre avant plusieurs semaines, voire quelques mois. Il fallait donc trouver autre chose pour s'accrocher, tenir le coup, encore un peu, jusqu'à ce que tout s'arrête, ou que tout se poursuivre d'une autre façon. La jeune femme, afin de rompre sa monotonie, décida d'aller se promener.

Jusque là, ses sorties ne lui avait pas apporté grand chose. Mais cette fois, Lemie n'allait pas regarder les gens, mais s'intéresser aux paysages. Elle trouvait l'idée bien plus sage et plus sûre de manière générale. A peine avait elle parcouru quelques mètres, qu'elle tomba nez à nez avec Dirdre, l'agent immobilier. Celui ci n'avait pas son humeur habituelle, cela pouvait se lire sur son visage. Lemie le salua, pour ne pas lui paraître trop sauvage, même si elle aurait eu envie de s'éclipser avant qu'il ne la remarque. L'homme, qui l'avait repéré, s'illumina d'un sourire de façade, avant de s'approcher d'elle.

- Comment allez vous ? Plus de problème avec cette jeune femme dont vous me parliez l'autre fois ?

Lemie ne put admettre que, depuis cet appel, et bien qu'ayant reçu la visite du serrurier, Oli avait fini par vivre chez elle, avant de disparaître complètement. Evitant d'entrer dans les détails, elle préféra se contenter d'un "tout va bien".

- Parfait alors. Je suis ravi que vous soyez bien là où vous vous trouvez. On ne sait jamais où l'on va tomber après tout.

En écoutant Dirdre continuer de vanter les mérites de l'appartement qu'il lui avait loué, Lemie ne put s'empêcher de repenser à tout ce que lui avait dit Oli au sujet de cet endroit. Deux points de vue s'opposaient, et aucun des deux ne semblaient correspondre à celui de la jeune femme. Elle rejoignait Oli quand au fait d'admettre que ce domicile n'avait rien d'une habitation décente. Toutefois, c'est elle qui avait voulu y vivre. Il était donc évident que, quelque part au fond d'elle, elle partageait un peu le coup de cœur de Dirdre à ce sujet.

L'homme semblait prêt à partir, quand Lemie fut prise de l'envie irrépressible de l'interroger au sujet de l'ancienne locataire.

- Excusez moi mais, serait il possible de savoir pourquoi l'ancienne locataire a quitté les lieux ? Demanda la jeune femme à l'agent immobilier.

- L'ancienne locataire ? Dirdre semblait perplexe face à cette question, et donnait l'impression de chercher ses mots. Et bien, reprit il, c'est une triste histoire. Je ne peux vous en donner les détails exacts, mais un accident est survenu, et depuis de longs mois, elle est entre la vie et la mort à l'hôpital.

- Mais que lui est il arrivé ? Insista Lemie.

- Je ne peux pas vous en dire plus. Vous comprenez, cela appartient à la vie privée de chacun. Quoi qu'il en soit, rassurez vous, ce qui lui est arrivé n'a aucun lien avec l'appartement, si c'est ce qui vous inquiète.

Lemie ne put avouer que cela ne l'inquiétait en rien, et que ses subites interrogations sur le sujet était en réalité une façon de vérifier les dires d'Oli. Et cette fois, il semblait évident que celle ci ne lui avait pas menti.

Après ce petit échange, l'homme s'excusa, et affirma avoir un rendez vous.

- Bon courage pour votre prochaine vente alors. Lança Lemie, ayant le sentiment d'avoir su se comporter comme n'importe qui.

- Oh, ne m'en parlez pas. Je ne vais pas travailler, j'ai rendez vous avec le vitrier, j'ai dû changer une fenêtre chez moi, et je dois aller le payer. Répondit Dirdre.

La jeune femme se liquéfia soudainement. Elle savait de quoi parlait Dirdre, et ne devait surtout pas se faire surprendre dans son mensonge. Prise de remords et de culpabilité, elle aurait voulu tout lui révéler, mais elle était consciente que si elle l'avait fait, elle aurait dû en assumer la responsabilité complète, ne sachant pas où se trouvait la tête pensante de toute cette opération. Lemie n'ajouta aucun mot, et hocha simplement la tête, comme pour faire mine de compatir, avant de laisser l'agent immobilier partir à son rendez vous. 


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