Les heures passèrent et la nuit fut de très courte durée. Le réveil, quant à lui, se fit bien avant que le jour ne soit levé. Lemie n'avait cessée de se retourner, encore et encore, dans son lit. Un coup chaud, un coup froid. Un peu triste, un peu seule. C'était devenu routinier. Dormir ne faisait plus vraiment partie des agréables activités de sa vie. Il faut dire que pour en apprécier la saveur, il faut pouvoir atteindre un sommeil doux. Lemie, quant à elle, ne pouvait se vanter que de l'originalité de ses cauchemars, et de la fidélité de ses insomnies, les autres nuits. De son côté, il était évident qu'Oli n'avait pas dormi, ou pas vraiment. Celle ci l'avait suffisamment souligné à son hôte, et la leçon avait été retenue. En se traînant hors de son lit, Lemie comptait retrouver Oli dans le salon, probablement installée, les yeux dans le vide, ou tout au plus figés sur la télévision. Mais, en arrivant dans le salon, celle ci découvrit Oli déjà habillée, prête à sortir.
- Tu t'en vas ? Demanda naïvement Lemie.
- Tu viens avec moi. Répondit la jeune femme, pleine d'assurance.
- Je sors à peine du lit et il fait encore nuit.
- Justement ! C'est le meilleur moment pour ce que j'ai à te proposer.
Oli ne laissa pas vraiment le choix à son hôte. Elle l'obligea à passer les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main, afin de ne pas perdre de temps. Lemie, quant à elle, se laissa diriger, bien que soucieuse des projets de son invitée. La dernière fois, cela n'avait pas été une réussite, et Lemie n'avait pas encore digérée sa culpabilité ressentie, lorsqu'elle avait croisé Dirdre.
- Tu as peur ? Demanda Oli, lorsque Lemie sortit enfin de sa chambre.
- Je devrais ? Répondit la jeune femme.
- Je ne sais pas. Tu me le diras au moment venu.
Oli se dirigea vers la porte, attrapa les clés de l'appartement, s'assurant ainsi que Lemie ne la laisse pas en plein milieu de leur excursion, puis sortit. Elle poussa Lemie à activer sa cadence de marche. Ensemble, elles descendirent les vieux escaliers de bois grinçants du bâtiment et, une fois dehors, Oli amena la jeune femme jusqu'à sa voiture. Celle ci semblait avoir longuement vécue. Sa couleur bleue était plus rayée que toutes les autres voitures que Lemie avait pu voir dans toute sa vie. La portière, côté passager, était enfoncée au point de ne pouvoir s'expliquer comment elle faisait pour encore s'ouvrir. La jeune femme entra dans celle ci, et s'installa sur les sièges de tissus noirs, complètement déchirés par endroit.
- Attache ta ceinture. Lança Oli à Lemie.
Cette dernière, peu rassurée, s'exécuta sans discussion. Oli mit le moteur en route, et appuya sur l'accélérateur. Lemie ne doutait plus qu'avoir sa ceinture, était une bonne chose. Son invitée accéléra, toujours un peu plus. Soudain, la jeune femme s'arrêta. Le tandem se trouvait face à une route obscure, aux marquages absents, et encadrée d'une forêt à perte de vue. Il allait falloir compter sur les seuls phares du véhicule, pensa Lemie, jusqu'à ce que la conductrice les éteignent.
- Que fais tu ? Demanda la jeune femme.
- Et bien, je vais te montrer ce que cela fait réellement d'avancer vers l'inconnu. Lemie ne trouvait pas la blague amusante, tandis qu'il semblait évident, pour Oli, que cela avait tout de sérieux. C'est alors que cette dernière accéléra subitement, prête à se lancer sur sa route. La voiture d'Oli ne filait pas droit, elle longeait les limites boisées, un coup à gauche, un coup à droite, sans se soucier d'un véhicule qui pourrait arriver en face. Lemie se mit à hurler de peur.
- Arrête ça ! Tu vas nous tuer !
- Et alors ? Répondit Oli, qui se mit à fermer les yeux, afin de rendre l'instant d'autant plus frémissant.
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L'Appartement
Conto"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".