Chapitre 28 - Le reflet de soi

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Sa respiration se coupa alors. Elle se sentait étouffer. Mourir de l'intérieur. Et, pour la première fois, cela ne lui fit pas peur. Elle ne s'inquiétait pas de la possibilité que ce souffle, puisse être le dernier. Elle pouvait partir, là, simplement en se laissant tomber sur son lit aux draps fleuris, et défaits, tout en observant le plafond autrefois blanc, devenu presque jaune avec le temps. Qui la pleurerait ? Pas un ne se rendrait compte de son absence. Si ce n'est peut être Oli, mais davantage pour la perte du toit qu'elle lui offrait, que pour elle. A attendre cette possible délivrance que lui apporterait sa propre mort, Lemie ne se rendit pas compte que son corps s'apaisait. Se détendait à mesure qu'elle devenait fataliste, à patienter que tout s'arrête. De ne pas avoir peur, venait de la sauver. La jeune femme observa ses mains, encore tremblantes, et pleine de peinture noire. Elle semblait désorientée, comme ignorante du pourquoi elle s'était mise dans un tel état.

Enfin, elle sortit de sa chambre, et affronta le regard d'Oli, qui ne semblait pas tellement perturbée par ce qu'il s'était passé.

- Tu te sens mieux ? Demanda l'invitée.

- Je n'allais pas mal. Continua de tenter de faire croire Lemie.

- Si tu le dis.

Lemie voulu à nouveau s'emporter, dire à sa presque colocataire à quel point elle aurait aimé que sa parole ne soit plus systématiquement remise en doute. Lui cracher à la tête ce qu'elle pensait d'elle, à son tour. Mais la jeune femme se reprit rapidement. Il n'était pas question de s'abaisser à un tel exercice. Lemie serait plus intelligente que ça. Elle serait plus fine. Plus subtile.

- Tu sais pourquoi je suis ici ? Demanda t elle alors.

- Parce que tu cherchais un endroit plus triste que toi. Tu me l'as déjà dit Lemie.

- Oui. C'est ça. Mais tu sais pourquoi c'est ce que je recherchais ?

- Parce que quelque chose ne tourne pas rond chez toi ? Lança Oli.

- Je suis sérieuse. Tu ne cesses de tenter de me démontrer que tu sais presque tout de ce que j'ai en moi. Cette fois, je te donne l'occasion de me le prouver.

Oli n'avait visiblement pas vu venir cette colle de la part de son hôte. Elle en resta quelques instants sans mot. Mais, intriguée, elle se prêta au jeu rapidement.

- Tu voulais fuir ta famille ?

- Je suis sérieuse je t'ai dit. Soupira Lemie.

- Moi aussi.

- Laisse tomber. Tu ne trouveras jamais.

Lemie ne laissa pas le temps à son invitée de répondre quoi que ce soit. Elle tourna les talons, et alla s'enfermer dans la salle de bain. Se prélassant dans sa baignoire, les yeux fixés au plafond. Elle se repassa le film de ce tout premier soir où elle avait intégrée les lieux. Cela semblait presque identique. Elle était là, dans son eau, presque à s'attendre à entendre un bruit d'origine inconnue, venir perturber ce moment, une nouvelle fois. Elle s'interrogea. Et si, au moment précis où celui ci s'était produit, elle avait eu la tête immergé sous l'eau. Si elle n'avait rien entendu ? Alors Oli n'existerait pas, du moins pas comme elle avait fini par s'imposer dans chacune des pensées de la jeune femme. Ce qui était certain, c'est qu'elle ne serait pas ici. Pas en train de se poser des questions sur l'origine de l'emménagement de Lemie. Pas là, tout simplement.

Lemie le savait, il allait falloit sortir de cette salle de bain. Retrouver une nouvelle fois Oli, et lui montrer qu'elle n'avait plus peur. De rien. Pourtant, alors qu'elle se hissait hors de la baignoire, posant son pied humide sur le tapis gris, et attrapantt sa serviette blanche pour s'envelopper, elle se vit dans le miroir, en face d'elle. La jeune femme s'approcha de son reflet, et s'observa sous toutes les coutures. Cela lui semblait faire une éternité qu'elle n'avait pas vu son visage. Mais, à ce moment, elle se vit réellement, comme elle ne s'était encore jamais vu.

Elle pris le temps de se regarder dans ses propres yeux gris verts, avant de laisser ceux ci décortiquer au possible, chaque petit morceau de son visage. Son nez, ses joues, ses lèvres. Tout fut passé en revue. Se voir ainsi lui rappela alors toute la détresse qui était la sienne, et qui l'avait menée jusqu'ici. Soudain, elle ne voulu plus voir son reflet. C'en était trop pour elle. Elle serra le poing, et sans même y réfléchir, le laissa se fracasser contre le miroir. A ce moment précis, le tableau était bien plus objectif. Voilà que la glace était en mille morceaux, comme son visage. Le sang coulait de sa main, tapissant le lavabo, le sol, et la serviette qui l'habillait.

Oli, depuis le salon, avait entendu le bruit et s'était précipitée pour s'assurer que tout allait bien. Après avoir longé le couloir qui séparait les deux pièces, la jeune femme arriva devant la salle de bain. La porte en bois était verrouillée, et elle était bien trop solide pour tenter de l'enfoncer. Oli se mit à frapper à celle ci, dans l'espoir que son hôte finisse par lui ouvrir.

- Lemie ? Tout va bien là dedans ? Demanda t elle.

Aucune réponse ne vint assouvir l'inquiétude de la jeune femme. Elle insista une nouvelle fois, puis encore une, et une autre. Les minutes défilèrent sans qu'Oli ne sache jamais dans quel état se trouvait Lemie, de l'autre côté de la porte. Peut être avait elle fait une bêtise, attenté à sa propre vie, une mauvaise chute. Toutes les options étaient possibles pour elle, qui ignorait tout. 



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