Chapitre 18 - Une amitié

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Ce fut un nouveau réveil, une nouvelle matinée. Tout semblait différent en comparaison de la veille, dans l'esprit de Lemie. A peine avait elle ouvert les yeux, que ceux ci se figèrent sur le mot qu'elle avait inscrit la veille. Déception. Voilà ce qu'Oli lui inspirait soudainement. Elle avait pourtant tant voulu la connaître. Elle sortit de son lit pour rejoindre la cuisine. En arrivant dans la pièce, pas d'odeur de café, pas d'agitation. Oli dormait encore. Lemie s'occupa d'elle même, et s'en alla, tasse en main, dans la salle de bain pour profiter de son réveil en solitaire.

Quelques minutes plus tard, elle entendit les sanglots de sa presque colocataire. Inquiète, malgré la soirée de la veille, Lemie se rendit dans le salon, et trouva Oli dans tous ses états. La jeune femme  s'approcha d'elle, et commença à la questionner sur ce qui n'allait pas. Oli demanda pardon à Lemie, pour la soirée qu'elle lui avait fait passer. Si cette dernière lui assura que cela n'était pas grave, elle ne pouvait s'empêcher de penser le contraire, malgré tout. Toutefois, elle laissa son invitée s'expliquer sur les raisons de ce drôle de comportement. Oli déballa tout, sans retenue. La veille, elle avait eu des nouvelles de son amie mourante, et celles ci ne furent pas des meilleures. Elle était toujours là, mais de moins en moins. Comme si elle ne voulait plus s'accrocher à la vie, ou à qui que ce soit. Oli ne le cacha pas, elle le vivait très mal. C'était de sa seule amie dont il s'agissait. Lemie l'écouta se plaindre sur la question, avec toute l'attention nécessaire à ce genre de cas. Elle comprit, et se sentit presque coupable du mal qu'elle avait pu penser d'Oli. Si celle ci avait eu une attitude des plus déplaisantes, c'était avant tout parce qu'elle était perdue. Et ça, Lemie était en mesure de le comprendre.

- Ne t'en fais pas, je ne t'en veux pas. Assura Lemie, qui commençait à penser de plus en plus en phase avec ce qu'elle disait.

Les deux jeunes femmes passèrent la journée à discuter, de tout, de rien. Malgré des heures de bavardages, ni l'une, ni l'autre, n'était plus avancée sur la vie de celle avec qui elle échangeait. Les deux presque colocataires aimaient parler ensemble, sans pour autant se livrer. C'était à celle qui en dirait le moins. Et les jours passèrent ainsi, à coup d'échanges inlassables entre elles, sans jamais se dévoiler.

A mesure que les deux jeunes femmes partageaient des banalités, Lemie s'accrochait de façon surprenante à son invitée. Elle voyait en elle tout ce qu'elle ne pourrait jamais être. C'est toujours un peu difficile d'abandonner certains espoirs, mais en Oli, la jeune femme trouvait de quoi combler ce qu'elle n'avait jamais su devenir elle même. Cette capacité d'aisance, ce côté avenant envers les gens qu'elle rencontrait, tout y était. Oli était la parfaite représentation de ce que Lemie aurait dû être, pour échapper à ce qu'elle était réellement. Ainsi, un soir, au détour d'une nouvelle discussion sans matière, la jeune femme interrompit l'instant.

- Je crois que je t'aime bien. Affirma Lemie.

Oli ne put s'empêcher d'éclater de rire. Sans doute que pour elle, l'amitié ne pouvait se donner qu'à une personne. Lemie le savait, quelqu'un avait déjà su pénétrer le coeur de la jeune femme. Elle lui avait parlé de son ex petit ami, mais surtout de cette amie entre la vie et la mort. Alors, si ces deux personnes avaient su se rapprocher d'Oli, pourquoi pas elle ?

- J'ai dit une bêtise ?

- C'est juste que je ne m'attendais pas à ça. Répondit Oli.

La discussion s'orienta naturellement sur la question. Lemie voulait savoir si son affection amicale était partagée. Si elle n'était pas en train de simplement se faire prendre au piège de l'amitié, qui la briserait un jour, forcément. Mais Oli ne voulait pas répondre, elle restait de glace face aux propos de son hôte. Cela lui glissait presque dessus, sans jamais vraiment l'attendre. Une nouvelle fois, Lemie passait de son étrange admiration pour son invitée, à ce sentiment de déception. Cela pouvait presque résumer leur relation depuis le départ, ces émotions en dents de scie, incapables de se poser d'un côté ou de l'autre de la balance.

- Viens avec moi ! Lança soudainement Oli.

La jeune femme prit le bras de Lemie, pour l'inviter à la suivre. Elle la guida à l'extérieur, alors qu'il faisait nuit noire. Lemie eut peur de revivre le remake de cette soirée, devant la maison de Dirdre, mais elle ne put s'empêcher de se laisser porter malgré tout. Elle suivait Oli, qui la menait à une nouvelle destination inconnue, mais cette fois, sans véhicule pour fuir rapidement.

Arrivé aux abords d'un grand immeuble, dont la peinture, autrefois jaune pale, aurait eu grand besoin d'être rafraîchit, Oli pointa du doigt une fenêtre, au 4 ème étage.

- Tu vois, c'est là que je vivais avant. Expliqua Oli.

- Avec ton petit ami ?

- C'est ça. Maintenant il vit avec sa nouvelle petite amie. Il a refait sa vie, et je poursuis la mienne. Mais c'est là, précisément, ma véritable maison.

Lemie sentit que sa presque colocataire tendait à s'engouffrer dans le regrettable souvenir d'une histoire douloureuse pour elle.

- Pourquoi me la montres tu ? Demanda Lemie.

- Parce que tu m'as dit que tu m'appréciais tout à l'heure.

Lemie ne vit pas très bien le rapport entre les deux situations, et ne savait pas s'il était d'usage de lui demander davantage d'informations, tant elle sentait Oli fébrile, face à cette bâtisse. Elle laissa un moment de silence, et finit par avouer qu'elle ne comprenait pas le lien. C'est alors qu'Oli se retourna, et lui lança, presque agressivement :

- C'est bien là le problème. Tu ne vois pas le rapport, jamais. Quoi qu'on te dise, tu te contentes de ce que tu entends. Jamais tu ne regardes derrière les mots, les attitudes, les gestes, les regards. Tu ne sais rien de ce que cela peut faire d'aimer ou d'apprécier quelqu'un. Si tu le savais, tu comprendrais pourquoi je t'ai amené ici. Et tu comprendrais surtout que tu es incapable, en l'état actuel des choses, de savoir ton degré d'implication à mon égard.

Lemie voulut ajouter, une nouvelle fois, qu'elle ne comprenait pas ce qu'Oli tentait de lui dire. Mais si elle l'avait admis, alors cela équivaudrait à donner raison aux propos de celle ci. Et ça, Lemie ne voulait pas l'accepter. Certes, elle avait pleinement conscience d'avoir du chemin à entreprendre pour un jour espérer entretenir des relations normales, avec ses pairs, mais en attendant, elle n'était pas aussi stupide que semblait vouloir le penser Oli. Sans répondre quoi que ce soit, la jeune femme tourna les talons, et reprit le chemin pour rentrer chez elle, laissant derrière elle son invitée. Oli aurait pu s'interroger. La situation aurait pu lui faire passer la nuit, et les suivantes, dehors, si Lemie ne lui pardonnait pas sa morale sans fondement. Mais Oli ne le voyait aucunement de cette façon. Pour elle, c'était un service qu'elle venait de rendre à son hôte. Il n'était pas question de la blesser, mais de lui ouvrir les yeux. 


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