L'Appartement

Chapitre 16 - Oli

Au lendemain matin, Lemie profita de la présence de son invitée pour aller frapper à sa porte et lui proposer de petit déjeuner ensemble. Oli sortit de la pièce, fraîche et habillée, comme si elle n'avait pas dormi une seule seconde, et qu'elle n'en avait pas besoin. Oli entra dans l'appartement, jeta un oeil vers la chambre, qui était fermée, puis se dirigea vers le salon, où elle s'installa dans le canapé. Cela sonnait comme le retour d'une vieille habitude.

- J'adore cette pièce. C'est la seule où l'on oubli que les lieux sont complètement inhabitables. Lança Oli.

Lemie ne répondit rien à cette phrase. Elle préférait laisser le silence s'installer. Etre à deux sans se parler, voilà ce qu'attendait la jeune femme de son invitée. Mais cette dernière n'envisageait décidément pas les choses de la même façon.

- Ton projet avance ? Demanda Oli.

- Il avance. Mais il est loin d'être terminé.

- Où en es tu ?

- Cela ne t'aiderait pas que je te le dise, puisque tu ne sais pas de quoi il s'agit.

- Je dois t'avouer quelque chose.

Ainsi, Oli changeait subitement de sujet, sans crier gare. Lemie ne s'en plaignait pas, car cela lui évitait, pour cette fois, un interrogatoire sur ses ambitions profondes. Elle laissa la parole à son invitée, prête à découvrir la vérité que celle ci allait lui annoncer.

- Je n'ai jamais vécu ici.

Lemie explosa de rire. Le scoop n'en était déjà plus un depuis que Dirdre lui avait révélé qu'aucune Oli n'avait jamais habité dans cet appartement.

- Je sais que tu le sais déjà. Ajouta Oli.

Lemie n'eut plus du tout envie de rire. Si celle ci avait fait preuve d'honnêteté en avouant n'avoir jamais résidé entre ces murs, il était à peu près impossible que celle ci puisse être au courant que l'information ai déjà circulée.

- Comment peux tu le savoir ? Demanda Lemie.

- Je te l'ai dit, je connais Dirdre.

- Ce n'est pas possible, il m'a dit qu'il ne te connaissait pas.

- Bien, alors crois celui que tu veux de nous deux. Conclua Oli.

Lemie fut d'autant plus curieuse de savoir comment la jeune femme s'était égarée là, si elle n'y avait jamais vécu.

- Je n'ai pas vécu ici, mais j'y ai passé beaucoup de temps malgré tout. Je connaissais la jeune femme qui habitait ici, avant toi. C'était mon amie.

- C'était ? Ce n'est plus ? Demanda Lemie.

- A l'heure qu'il est, je n'en sais rien. Elle est entre la vie et la mort à l'hôpital.

Lemie fut gênée. En plus de n'avoir aucun toit sur la tête, Oli avait à gérer l'angoisse de perdre quelqu'un en qui elle tenait plus que tout. Si ce genre de préoccupation n'avait jamais effleuré la jeune femme, de par le fait qu'elle ne s'était jamais attachée à qui que ce soit, elle comprit malgré tout l'horreur de la situation pour Oli.

- Je suis désolée pour toi. Que lui est il arrivé ? Demanda Lemie.

- Rien. Je ne préfère pas en parler. Mais je ne sais pas si elle se réveillera un jour.

Lemie réfléchit à la situation, et ne se sentit plus capable de mettre à la porte Oli, pas dans ces circonstances. Pourtant, s'enfermer dans une relation de proximité avec cette dernière ne l'enchantait pas tellement. Elles étaient si différentes. Oli était si intrusive, si présente, bruyante, tandis que Lemie ne recherchait qu'un peu de présence, sans effusion, sans grande amitié à partager. Juste quelqu'un qui serait là, par moment, pour elle.

- Tu peux rester ici quelques jours, si tu le souhaites. Proposa Lemie, malgré tout.

- Merci. J'ai l'impression qu'elle vit encore pleinement, quand je suis ici.

Oli, pour la première fois, baissa les yeux et semblait ne plus avoir grand chose à dire sur la question. Cela n'avait rien d'habituel pour la jeune femme, qui restait rarement silencieuse. Lemie conseilla à la jeune femme d'aller prendre un bain, afin de lui changer les idées. Oli ne refusa pas, et disparut dans la salle de bain, sans dire le moindre mot. Pendant ce temps, Lemie comprit qu'elle n'avait pas cernée son invitée depuis le début. Elle se rua dans sa chambre, comme pour ne pas perdre le fil de son inspiration, et inscrivit sur l'une de ses toiles son désir de percer Oli à jour. Qui était elle ? Que voulait elle vraiment ? Pourquoi pensait elle qu'en errant dans ces lieux, son amie résisterait mieux à la mort qui semblait vouloir l'attraper ? C'était une grande première pour Lemie. S'intéresser à quelqu'un, au delà de ce que l'on pouvait voir de lui, n'était pas dans ses gênes. Mais cette fois ci, Lemie le savait, il fallait qu'elle creuse davantage, qu'elle comprenne.

Dans son bain, Oli mettait un temps fou. De quoi inquiéter Lemie. Mais cette dernière ne voulait pas céder à la panique. Elle attendait patiemment son retour, soucieuse de lui accorder un peu de son temps. Enfin, la jeune femme revint, les cheveux humides, une serviette comme seul vêtement sur elle.

- Tu m'attendais ?

- Oui. Je ne voulais pas que tu sois seule. Répondit Lemie.

Oli pouffa un peu de rire. Si elle avait admis avoir vécu une tragédie récente, qui restait en suspens depuis lors, elle n'avait aucunement pour objectif de partager sa douleur avec Lemie. Leur proximité n'en était pas là, de toute évidence. Et elle n'était pas là pour ça de toute façon.

- Tu préfères que je te laisse seule ? Demanda Lemie.

- On fait comme ça.

Oli attrapa le plaid posé sur l'accoudoir du canapé, afin de se recouvrir un peu. Elle plongea ses yeux dans la télé, et ne dit plus un mot. Lemie comprit qu'elle n'avait rien d'autre à faire que de se lever, et de quitter la pièce. Une fois dans sa chambre, la jeune femme ne savait plus trop quoi faire. Elle surfa un peu sur son téléphone, tout en gardant une oreille attentive aux moindres bruits que pouvait faire Oli, dans la pièce d'à côté. Sans manifestation de sa part, Lemie finit par plonger dans le sommeil, jusqu'au petit matin. 

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