Les deux jeunes femmes arrivèrent dans la chambre. Oli y pénétrait pour la première fois depuis longtemps. Elle ne l'avait vu que deux fois. La première, ce fut dans la pénombre, une nuit où elle avait pénétrée dans la chambre, dans l'unique but de surprendre Lemie. A cette époque, les toiles étaient encore neuves, dépourvues d'inscription. Puis, elle avait aperçu l'intérieur de la pièce à une occasion plus récente, mais elle n'avait pu lire qu'une seule phrase. Cette fois, elle allait pouvoir découvrir l'intégralité du contenu du projet de Lemie.
C'est le coeur battant fort sous la poitrine, qu'Oli lut chacun des mots de son hôte. Elle prit le temps de tenter d'en saisir tout le sens. Mais à mesure qu'elle poursuivait sa lecture, la jeune femme semblait de plus en plus troublée, perdue. Et puis, soudain, quelque chose lui parut beaucoup plus clair. Pas tellement dans le message décousu, mais dans la façon de le lire. Elle regarda Lemie, qui semblait à mille lieux de se rendre compte, de ce qui venait de la frapper.
- Tu sais ce que tu as écrit là ? Interrogea Oli.
- Je n'ai pas encore pris le temps de tout relire.
- Fais le. Tu vas voir ce que je vois, c'est certain.
Lemie s'exécuta dans la foulée, et se mit à lire ses propres mots, dont elle avait oubliée la plus large partie. Soudain, son sang ne fit qu'un tour. C'était impossible que cela soit réel. Ce qui était écrit là ne voulait pas en dire plus que la lettre d'Oli, et c'est ce qui rendait précisément la situation d'autant plus perturbante.
- Alors, tu vois ? Demanda Oli.
- ça ne veut strictement rien dire.
- Mais si, regarde bien.
Oli remarqua rapidement que Lemie ne voyait pas ce qu'il y avait à voir, alors celle ci lui tendit la lettre. Sa lettre.
- Quoi ? Qu'est ce que tu veux que je fasse avec ça ? Je l'ai déjà lu.
- Relis là. Insista Oli.
- C'est ridicule.
- Fais moi confiance.
- (Lemie se mit à rire) C'est amusant de se parler de confiance entre nous.
- Je ne plaisante pas. Relis là.
Lemie finit par accepter de reprendre la lecture de la lettre d'Oli. Soudain, la théorie de son invitée la frappa de plein fouet.
- Ce n'est pas possible. Murmura Lemie.
- ça l'est ! Ajouta Oli.
- Mais, comment ?
- Je ne sais pas. Assemblons les, nous verrons ce que ça donne réellement.
Les deux jeunes femmes s'installèrent sur le lit de Lemie, et commencèrent à réunir les phrases. A mesure qu'elles avançaient, le message semblait prendre du sens. Cela voulait dire quelque chose, qu'elles découvrirent ensemble. Une fois terminé, elles décidèrent de le lire depuis le début.
- Vas y, lis le. Demanda Lemie.
- Très bien.
«Qui suis je ? Je suis une orpheline qui rencontre parfois ses parents. J'ai besoin d'être seule mais, La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise trop longtemps. Et puis, tout ce que je ressens. Déception. Silence. Bordel. Complications.
Quand je pense à eux. Les autres, c'est l'ennemi qu'on a en soi. Quand je pense à moi. Soi, c'est l'ennemi qu'on a en soi.
Et puis, qui me voit ? J'ai si facilement ce sentiment de ne plus exister.
Toutefois, parfois, j'y ai cru, et me suis dit : C'est étrange ce petit bonheur que j'ai attrapé.
Mais toujours ils disparaissent et je sais à présent que c'est lorsqu'ils ne sont pas là, que l'on se rend compte du vide que les gens laissent derriere eux.
Alors je n'ai qu'une conclusion... Je suis peut être seule. Je suis seule. Je suis solitude. Une solitaire qui possède une amie. Moi.
Mais il y a tant d'autres choses encore. Il y a cette colère, cette tristesse que personne ne voit, mais qui est bien là et qui me prive de tout autre plaisir.
C'est ainsi que j'ai su.
Je suis cassée.
Alors je me suis demandé. Suis je réparable ? Mon coeur est en un millier de morceaux. Un millier de moi qui ne trouvent pas sa place.
Parce que je ne suis plus complète... Je suis bousillée.
A cause de ça... Cette trahison.
Qui m'empêche de vivre encore comme avant. Je n'ai plus confiance.
Parfois j'y crois pendant un instant et me dis : C'est étrange cette douceur par moment.
Et puis toujours ça revient. Dans ma tête... Hurlements. Dans mon coeur... Silence.
Je ne sais plus faire autrement. Je dois me délester de ma souffrance.
Je suis désolee de ne pas avoir trouvé d'autre moyen, mais je dois le faire... Maintenant.
Adieu !»
Oli et Lemie restèrent dans un long silence après la lecture de cette lettre. Cette fois, elle était complète, il n'y avait plus aucun doute. Il ne fut plus possible de fuir cette réalité. La tristesse n'allait pas poursuivre la joie, et la joie n'allait pas s'enfuir face à la tristesse. Elles allaient devoir cohabiter, pour comprendre. C'est alors que Lemie se releva subitement, comme si quelque chose venait de lui revenir. Elle demanda à son invitée de la suivre jusque dans la salle de bain. Arrivée devant, Oli pénétra dans celle ci en première, sans même se faire prier, prête à découvrir ce que Lemie allait lui révéler.
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L'Appartement
Historia Corta"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".