En théorie, tout commence par la naissance. Cet état est suivi de la vie. Certains vous diraient que juste après, vient la mort. Et qu'au delà, il ne reste rien. Ce n'est pas toujours exact. Il arrive que juste après ça, quelque chose se passe. Quelque chose qui semble vous mettre en balance. Dans une file d'attente entre la renaissance, et le sommeil éternel. Durant cet entre deux, nombre de choses peuvent se dérouler, sans qu'elles n'existent jamais réellement, ou pas tout à fait. Pourtant, c'est là, à peine perceptible pour le commun des mortels. Exception faite de ceux qui plongent dans cet endroit où tout est si différent, et sensiblement identique à la fois. Puis vient ce moment, celui du choix. Rester là, hésitant entre deux chemins qui nous sont offerts. Arrêter, pour ne plus avoir à endurer ces douleurs. Ou avancer, et se voir récompensé un jour, peut être, de s'être accroché, telle une victoire, après l'échec.
En revenant à elle, Oli ne sut quelle route elle venait de suivre. Ouvrir les yeux aurait répondu à toutes ses interrogations. Mais la possibilité d'être toujours coincée dans cet autre monde la terrifiait. Pire encore, si elle avait glissé plus bas encore ? Alors qu'elle s'interrogeait et se laissait le temps de choisir ou non d'ouvrir les yeux, elle sentit une odeur prenante au nez. Celle des médicaments, des produits en tout genre. De ceux que l'on sent dans une chambre d'hôpital. Elle leva le voile et découvrit un plafond blanc immaculé. Cela aurait pu être celui de sa salle de bain. Celle où elle avait organisé ses adieux à son existence. Elle entendit des bips incessants, lui assurant être vivante, ce qui ne l'empecha pas de continuer à douter. Quelques instants, puis de moins en moins. A mesure que les secondes passaient, ce qu'elle se souvenait avoir vécu dans son sommeil se dissipait. Elle tenta de gesticuler, mais seuls ses yeux répondirent à sa requête. Son corps étaient engourdi, endormi. Elle laissa son regard se poser partout où ils le pouvaient. Elle vit alors la perfusion qui lui rentrait certainement dans la peau. Mais elle ne put qu'imaginer, tant elle ne pouvait se redresser pour s'en assurer. Elle commença à paniquer, mais son envie d'appeler à l'aide fut rapidement interrompu par le tuyau qui entravait sa gorge.
Oli commença à paniquer, à manquer d'air. Les bips de son monitoring ne cessaient de s'accélérer. Suffisamment pour inquiéter quelqu'un, qui semblait s'approcher à grand pas de la chambre où elle se trouvait. Allongée, elle ne vit pas qui venait de pénétrer à l'intérieur. Elle entendit simplement la voix d'une femme demander à une autre personne de prevenir le chef de service. Quelqu'un attendait donc son réveil. Oli entendit une autre démarche s'approcher. Plus lourde, plus masculine.
L'homme était vêtu d'une blouse blanche sur laquelle se trouvait un badge dont elle put deviner l'intitulé «Docteur». L'homme l'observa, puis lui lança un sourire avant de lui déclarer.
- N'ayez pas peur mademoiselle. Vous êtes à l'hôpital. Nous ne pensions plus vous revoir, après le dernier faux espoir que vous nous avez donné. Mais rassurez vous, nous nous occupons de vous. Je suis le docteur Dirdre. C'est moi qui vous ai sorti de votre pétrin, et ai empêché votre bêtise.
- Docteur, il n'est peut être pas de bon ton de lui dire ça à peine à son réveil. Interrompit la voix de la jeune femme qui l'avait fait appeler.
Oli ne pouvait voir le visage de sa bienfaitrice, qui en cet instant angoissant, montrait une part d'humanité bien plus vaste que ce médecin. Dirdre qui plus est. Ce nom ne lui était pas étranger, elle l'avait déjà entendu quelque part. Dans une autre vie peut être ? Ce qu'il s'était passé durant son comas avait déjà presque intégralement disparu. Mais elle comprit que c'était lui qui avait empêché son sommeil éternel. L'homme reprit alors la parole.
- Bien ! Alors je vais vous laisser entre les mains de notre interne pour vous faire un bilan, et je repasserai vous voir plus tard dans la journée. Dit il, en laissant place à la jeune femme bienveillante.
Oli n'était pas pressée de le revoir, il lui avait peut être sauvé la vie, il ne lui inspirait pas pour autant confiance. Il l'avait laissé en enfer, même si elle n'était déjà plus capable de le savoir réellement. Elle entendit la jeune femme se rapprocher, et put enfin en découvrir le visage. Elle était blonde, les cheveux lisses et longs, avec de grands yeux doux, à faire pâlir de jalousie une biche. Son sourire était rassurant, autant que celui d'une mère qui serre fort son enfant qui vient de faire un cauchemar. L'interne se pencha au dessus d'Oli.
- Ne vous en faites pas, c'est un médecin, son travail est de sauver des vies, et comme beaucoup, il ne voit de votre cas que le fait que vous avez tenté de gâcher la vôtre malgré une bonne santé.
Oli, qui ne pouvait répondre, l'observa dans l'espoir de comprendre pourquoi cette jeune femme se montrait si bienveillante avec elle.
- (L'interne se mit à sourire) Vous vous demandez pourquoi je ne pense pas comme lui ?
Oli tenta d'hocher la tête pour obtenir la réponse.
- Et bien, je suis interne, je n'ai sans doute pas encore eu le temps de me sentir blasée par mon métier. Et puis, je n'ignore pas que la douleur peut être réelle, sans être physique. Comme le disait votre voisin de chambre, un vieillard qui a quitté l'hôpital hier et qui passait son temps a vous parler dans votre comas : Le corps est une maison, et quand une maison à un problème, cela est souvent de la faute de ses habitants.
Oli observa la jeune femme avec une telle intrigue qu'elle ne put pas la masquer dans son regard. L'interne fit un premier bilan de l'état de santé d'Oli.
- Tout me semble bon. Vous avez beaucoup de chance, avec la dose de médicaments que vous aviez ingéré. Heureusement que votre petit ami vous a retrouvé à temps. S'il était revenu une heure plus tard, qui sait ce qu'il se serait passé.
Les yeux d'Oli tentèrent d'exprimer tout ce qu'elle ne pouvait pas dire à cause de son intubation.
- Ne vous en faites pas, vous n'allez plus garder ça très longtemps. Lui dit l'interne, avant de reprendre. Attendez, j'ai une idée.
La jeune femme quitta la pièce quelques minutes et revint avec un cahier et un stylo. Elle tendit le tout à Oli, qui sentait son corps endoloris, l'être de moins en moins. Elle réussit à attraper le crayon, et d'une écriture imprécise lui gribouilla quelques mots.
- Comment je m'appelle ? Lemie. Je suis la personne qui s'est le plus occupée de vous durant votre séjour hospitalier. On est presque comme des amies, même si vous ne me connaissez pas vraiment de votre côté. Mais avant de faire connaissance, il y a quelques personnes qui voudraient vous voir. Il y a longtemps qu'ils attendent votre retour.
L'interne sortit de la chambre et laissa entrer ceux qui attendaient le réveil d'Oli. Cette dernière vit celui par qui tout s'était terminé, ou commencé, elle ne sut plus très bien. Le jeune homme l'observa, des larmes pleins les yeux, visiblement inquiet, mais également soulagé de la revoir. Il se mit assis sur le côté du matelas, attrapa la main gauche d'Oli et se confondit en excuses pour tout le mal qu'il avait pu lui causer. La jeune femme ne fut pas en état de réagir mais se voir à nouveau importante dans ses yeux lui fit un bien insoupçonné.
Puis le jeune homme laissa la place à d'autres visiteurs. Oli vit ses parents se tenir debout face à elle. A leur tour, ils s'excusèrent de l'avoir tant délaissée, tant négligée. De n'avoir rien vu venir. A aucun moment. D'avoir gardé si longtemps les yeux fermés.Oli sut alors que tout ceci avait un but, un sens, une raison. Ceux qui l'avaient tant meurtri avaient fini par ouvrir les yeux sur elle. La fin, pour mieux accepter le début. Ne lui restait plus qu'à choisir de pardonner ou non. Et puis, d'enfin, avancer.
Fin
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L'Appartement
Cerita Pendek"La solitude, autant qu'on peut la vouloir ou l'espérer, sonne comme un abandon quand elle s'éternise un peu trop".